La question n’est pas de savoir quels sont les polluants chimiques qu’on retrouve en Méditerranée, mais plutôt quels sont ceux qui n’y sont pas.

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Marc Valmassoni est chargé de projet en environnement méditerranéen à Surfrider Europe. Son organisation, ainsi que trois autres fondations, celles du prince Albert II de Monaco, Tara et Mava, organisait la semaine dernière une conférence sur les déchets plastiques à Monaco, qui s’est efforcée d’aller au-delà du constat pour explorer des solutions possibles. Mais le chercheur, lui, se focalise sur l’analyse de polluants invisibles, des substances chimiques qui se retrouvent en mer à partir de sources aussi diverses qu’inattendues.

«Nous avons suivi quelques substances chimiques en milieu méditerranéen, explique Marc Valmassoni à L’Orient-Le Jour. Il y a ce qu’on appelle les hydrocarbures aromatiques cycliques, provenant du transport, de l’industrie ou du chauffage. Ces particules sont véhiculées jusqu’à la mer par la pluie ou encore par le ruissellement de la chaussée, sur laquelle retombent les gaz émis par les voitures. Ces particules peuvent venir aussi des combustibles de bateaux. On constate leur présence par l’irisation sur la surface de l’eau, mais également par le biais de mesures scientifiques. Nous avons mis au point des mesures de suivi de la qualité de ces eaux en faisant des prélèvements au niveau de la subsurface (sous la surface). Nous en observons des concentrations près des grosses agglomérations.»

D’autres polluants intéressent les chercheurs, car ils servent d’indicateurs pour la pollution en mer. «Nous nous sommes intéressés notamment au parabène, qui signale la contamination par les crèmes solaires, affirme Marc Valmassoni. Nous effectuons des prélèvements durant la période estivale ou les vacances scolaires dans les lieux où une activité nautique est pratiquée. Nous nous sommes aperçus qu’il y a des concentrations de parabène dans l’eau, d’où un risque pour l’environnement. En effet, la présence de ces crèmes provoque une diminution de la photosynthèse, étant donné qu’elle limite l’entrée des rayons UVA et UVB dans l’eau. Un autre risque est celui de l’accumulation de ces matières dans l’organisme si les nageurs les avalent par mégarde, ou dans les poissons qui peuvent les ingérer et les communiquer à celui qui les consomme.»

Il ajoute: «Un autre exemple de polluant chimique, ce sont les alkyl phénols, une substance qui est un indicateur de la pollution provenant de l’utilisation des produits d’entretien. C’est ce qui se traduit en surface par la présence de mousse. Nous en avons retrouvé surtout près des grandes agglomérations littorales.»

Empêcher l’arrivée d’eau

Y a-t-il une indication du taux à partir duquel toutes ces substances présentes dans l’eau deviennent dangereuses pour la santé? «Il n’y en a pas encore, reconnaît le chercheur. Il existe en effet beaucoup d’informations et de bibliographie sur l’impact environnemental, ainsi que des normes de qualité environnementale. Sur la santé humaine, nous nous entourons d’experts pour tenter de répondre à la question. Par contre, il y a un peu plus d’informations sur la concentration de ces matières dans les poissons que nous consommons.»

Des critères précis guident le choix de l’équipe de Surfrider pour ce qui est des substances chimiques à suivre dans l’eau. «Nous avons cherché à isoler des substances qui sont des indicateurs, souligne Marc Valmassoni. Il n’y a pas une seule grande substance à suivre pour son impact sur le milieu marin. Nous avons procédé par grandes familles, en examinant le paracétamol qui est un indicateur de produits pharmaceutiques, les alkyl phénols pour les produits d’entretien et le parabène pour les produits cosmétiques. On retrouve également les pesticides et les engrais. Pour ceux-ci, nous avons essayé de spécifier des zones d’agriculture qui pourraient être la source d’une contamination importante du milieu marin par ces substances.»

Prié de qualifier l’état de contamination de la Méditerranée à la lumière de ces études, Marc Valmassoni préfère se lancer sur une note positive. «Cela fait une dizaine d’années que je travaille sur la Méditerranée, souligne-t-il. Du point de vue de la pollution bactériologique (venant des égouts), il y a une amélioration. Les organismes publics prennent dorénavant beaucoup de facteurs en considération: les rejets sont de moins en moins importants, les eaux sont de mieux en mieux traitées. De plus, je pense que les gens sont plus sensibilisés à propos des déchets aquatiques, ils ont tendance à jeter leurs ordures à la poubelle avant que celles-ci n’atteignent la mer.» Des constatations positives qui ne s’appliquent malheureusement pas sur les côtes libanaises…

«Cependant, poursuit-il, ce n’est pas le cas pour les substances chimiques résultant des produits que nous utilisons, et qui est une problématique très actuelle. En effet, les pollutions chimiques sont des pollutions que l’on ne voit pas, d’où le fait qu’on y est moins sensibilisé. La mer reste donc l’exutoire de tous ces produits chimiques. Étant synthétisées par l’homme, ces substances ne sont pas dégradées dans l’environnement, d’où un réel enjeu environnemental et sanitaire.»

Comme le traitement de cette pollution en mer semble d’emblée exclu, le chercheur ne voit d’autre issue que d’en empêcher l’arrivée dans l’eau. «Nous utilisons aujourd’hui un grand nombre de substances sur lesquelles nous ne disposons pas des connaissances nécessaires, notamment sur leur devenir dans le milieu aquatique et l’impact sur notre santé, dit-il. Il faut poursuivre les recherches, faire des prélèvements, des analyses et, surtout, de la sensibilisation.»

Source & liens complémentaires : lorientlejour.com (17.03.15) Source photo : wikimedia.org 

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