Plutôt que de profiter de ses vieux jours comme n’importe quel autre retraité, un ancien plongeur militaire arpente les rives du fleuve Saint-Laurent à la recherche… de carcasses de baleines.
«Entre chaque marée, je vais marcher sur le bord de l’eau. C’est comme une chasse au trésor. Il y a toujours des choses qui arrivent», confie gaiement Réjean Côté, 54 ans, au téléphone.
Le résident de Sainte-Flavie en Gaspésie est un amoureux du littoral. Originaire du secteur, il dit être «tombé dans la soupe quand il était petit». Alors il n’a pas hésité une seconde quand on lui a demandé s’il souhaitait devenir bénévole pour le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.
«J’adore ça. On est un peu les yeux et les oreilles des scientifiques à Tadoussac. J’ai toujours ma trousse de bénévole dans ma voiture, au cas où», dit-il.
Le réseau vise à documenter les causes de mortalité des mammifères marins. Il fait appel à une centaine de bénévoles qui se tiennent prêts, au moindre appel, à investir les plages, mètres et pancartes en main.
La procédure est chaque fois la même. Ils prennent des photos des yeux, de la langue et des dents pour estimer l’état de décomposition de la bête. Ils mesurent. Ils étiquettent l’animal. Tout ça, en direct avec la station de professionnels à Tadoussac.
Bébés bélugas décimés
Pour les scientifiques, ces données sont cruciales.
«Les carcasses sont des mines d’informations. C’est très important, car plus on en sait sur les causes de mortalité, plus il est possible de proposer des solutions», explique Stéphane Lair, professeur à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.
Les bénévoles récoltent des données sur toutes les espèces de mammifère qui arrivent sur les rivages. Mais les scientifiques n’effectuent de recherches approfondies que sur les bélugas.
Ils s’inquiètent d’ailleurs de voir de plus en plus de nouveau-nés bélugas s’échouer sur les plages, sans qu’ils puissent en connaître les raisons.
«On est complètement dans le brouillard là-dessus, se désole M. Lair. Il semble qu’il y ait des séparations avec la mère très tôt. Le veau meurt de déshydratation, car il n’a pas accès au lait.»
Le réseau récupère actuellement entre huit et 16 dépouilles par année de nouveau-nés, comparativement à trois au maximum, il y a cinq ans.
Habituellement, les scientifiques observent des bélugas «adolescents» qui meurent d’infections causées par des parasites, ou encore des spécimens plus âgés qui ont développé des cancers.
Ces derniers ont souvent été exposés aux produits chimiques qui se déversaient en abondance dans l’océan avant le resserrement des réglementations.
En veston pour une carcasse
Réjean Côté a compris l’urgence de la situation. Il se tient donc disponible dès qu’on a besoin de lui, qu’importe la plage, tant qu’elle se trouve entre Rimouski et la Baie des Sables.
Il se rappelle être parti d’un rendez-vous à Rimouski en catastrophe en veston et cravate afin de sauver un bébé phoque qu’un groupe de touristes américains malmenait.
«Le jeune chiot se reposait sur la plage, et eux le poussaient vers l’eau avec un bâton. Ça pressait!» jure-t-il.
Pour signaler rapidement tout cas de baleine ou de phoque en difficulté ou mort, appelez le 1 877 722-5346.
Source & infos complémentaires : ici.radio-canada.ca (30.05.15)
Source photo : wikipedia.org