La décision prise jeudi par la Commission européenne met un frein à la pêche en eaux profondes. Victorieuses, les ONG environnementales restent réservées.

Les poissons d’eau profonde savent enfin à quoi s’en tenir. Après quatre années de palabres, de débats interminables, de réticences de tout poil, l’Union européenne (UE) a finalement décidé d’interdire le chalutage profond dans ses eaux au-delà de 800 mètres de profondeur.

Les abysses au-delà de 400 mètresqui abritent des écosystèmes jugés fragiles seront, elles aussi, fermées à la pêche. Toutefois, les zones maritimes touchées sont réduites à la portion des eaux européennes et à l’Atlantique du centre-est, sans y inclure l’Atlantique du nord-est, comme cela avait pourtant été discuté.

Conclu jeudi entre la Commission, le Parlement européen, et les ministres européens chargés de la pêche, regroupés en Conseil des ministres, cet accord très attendu constitue « un compromis équilibré qui protégera notre environnement et nos ressources halieutiques dans les eaux profondes tout en mettant un terme à l’incertitude à laquelle étaient confrontés les pêcheurs », s’est félicité le commissaire européen chargé du secteur, le Maltais Karmenu Vell.

Les dangers de la pêche en eaux profondes

Ce type de pêche, qui ne représente qu’environ 1% des débarquements de l’Atlantique Nord, mais très sensible pour l’environnement, constitue « le plus grand risque de destruction des écosystèmes marins vulnérables et irremplaçables », soulignait la Commission européenne en juillet 2012. il est accusé de dégarnir les fonds des océans.

En raclant les fonds marins où vivent coraux et éponges, ce chalutage entraîne des captures non désirées et affecte des espèces fragiles. Intolérantes à la pêche intensive, elles mettent des années à arriver à maturité pour se reproduire, comme les requins d’eaux profondes.

Une « grande avancée pour les fonds marins »

« On n’a pas obtenu tout ce que nous voulions, mais c’est quand même une grande avancée pour les fonds marins », a réagi auprès du Monde le députe européen Yannick Jadot. Les règles rigoureuses mises en oeuvre enferrent les pêcheurs européen dans un cadre législatif serré, mais leur permettent de maintenir leurs activités.

« La Commission européenne proposait initialement l’interdiction pure et simple de la pêche en eaux profondes », rappelle dans un communiqué la rapporteur socialiste pour le Parlement européen de la discussion en « triologue », Isabellle Thomas.

Des reculs et un manque d’ambition

« Cette réforme aurait pu être beaucoup plus ambitieuse si elle avait été portée par un autre rapporteur. L’eurodéputée socialiste Isabelle Thomas a bradé le règlement en acceptant, presque sans ciller, les reculs proposés par les Etats membres, Espagne en tête », tempère auprès du Journal de l’environnement Claire Nouvian, directrice de l’ONG Bloom.

Matthew Gianni, représentant de la Deep sea conservation coalition, reste lui aussi prudent: « Nous encourageons également l’UE à améliorer la protection des écosystèmes profonds dans les eaux internationales », qui ne font pas partie du périmètre du texte.

Ces deux ONG étaient, avec Pew, le fer de lance de l’opposition au chalut en eau profonde. Leur pétition lancée en 2013 avait récolté près de 900 000 signatures. Score rare pour un sujet environnemental.

Au mieux, le règlement européen entrera en application le 1er janvier 2017. Pour l’heure, nul ne sait si les pêcheurs britanniques seront concernés.

Source : lexpress.fr, le 01/07/2016

Photo : Par Jean-Pierre Bazard Jpbazard (Travail personnel) [GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html) ou CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia Commons

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