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Le béluga est officiellement en voie de disparition au Canada. Le gouvernement a annoncé il y a quelques jours un changement de statut pour cet animal marin majestueux, présent dans l’estuaire du fleuve Saint-Laurent. Il est placé sur la liste des espèces en péril.

Ils sont le joyau du fleuve Saint-Laurent et c’est un magnifique spectacle que de contempler leur dos blanc étincelant quand ils sortent de l’eau… Sauf que ce spectacle risque de devenir, bientôt, chose du passé, parce que les bélugas du Saint-Laurent sont maintenant une espèce en voie de disparition : ils sont moins de 900 à vivre dans le fleuve, alors qu’ils étaient environ 10 000 il y a 150 ans. Peut-on les sauver et si oui, comment ?

Déclin irréversible ?

En 2015, sur les 14 carcasses de bélugas retrouvées sur les rives du Saint-Laurent, il y avait 6 nouveau-nés et 3 femelles qui venaient de mettre bas ou qui allaient mettre bas. Pas assez de veaux pour assurer la reproduction de l’espèce, des bébés et des mamans qui décèdent en trop grand nombre, le taux de déclin du béluga est de 1 à 1,5% par an. « Il y a des problèmes de mise bas qui semblent être beaucoup plus récurrents qu’ils ne l’étaient autrefois » explique Émilien Pelletier, spécialiste en éco-toxicologie à l’Institut des Sciences de la mer de Rimouski.

Il existe plusieurs facteurs qui expliquent ce déclin… Tout d’abord le réchauffement climatique actuel augmente la température de l’eau du fleuve et a un impact également sur l’alimentation du béluga. De nouveaux contaminants ont aussi fait leur apparition dans le fleuve : « Et ces nouveaux contaminants sont souvent plus complexes, beaucoup moins bien connus, ce sont des médicaments, des substances qui n’étaient pas là avant, qu’on connaît fort mal et dont on ne connaît vraiment pas les effets à long terme sur les animaux » précise Émilien Pelletier.

Enfin le trafic maritime a augmenté dans le fleuve, or le béluga est un animal très sensible au bruit, surtout lorsque c’est le temps des naissances, la mère et son veau ont besoin de calme et de tranquillité avant et après la mise bas. C’est sur ce facteur que les spécialistes estiment qu’il faut intervenir le plus rapidement possible. « Diminuer le dérangement, le bruit dans les habitats, c’est sûrement l’action prioritaire à faire, estime Robert Michaud, Président du Groupe de Recherche et d’Éducation sur les Mammifères Marins, le GEMM. Il y a des projets qui sont envisagés : de créer des refuges acoustiques, des secteurs de l’habitat du béluga dans lesquels on éviterait d’accroître les activités humaines et ça, à court terme, ça pourrait porter fruit ».

Protéger l’habitat du béluga

Le béluga profite déjà d’une zone protégée qui est le parc marin du Saguenay-St-Laurent, là où la rivière Saguenay rencontre le fleuve : dans ce vaste périmètre, il est interdit de s’approcher à moins de 400 mètres de la belle baleine blanche. Mais le gouvernement du Canada vient aussi de décréter une autre zone comme étant l’habitat essentiel du Saint-Laurent, notamment pour sa reproduction. Ce qui va faire en sorte que tout projet de développement dans cette zone, comme la création d’un port, devra être soumis à approbation auprès de différentes instances avant d’être accepté.

Ces dernières années, il y a eu un projet de développement d’un port méthanier à Cacouna, sur la rive sud du fleuve. Or cette région est la « pouponnière » des bélugas. La levée de boucliers d’organismes écologiques et de citoyens du coin a mené à l’arrêt de ce projet qui aurait eu un impact catastrophique sur la situation déjà désespérée du béluga. « L’idée n’est pas de mettre le Saint-Laurent sous une cloche de verre mais il faut le partager avec les bélugas en protégeant leurs habitats et arriver à cet équilibre important entre développement économique et protection des espèces » décrète Robert Michaud.

 » Les clignotants sont au rouge »
C’est une population sauvage, c’est très difficile de suivre et de comprendre l’évolution d’une population sauvage, en plus dans un estuaire. J’essaye d’être optimiste mais je reste réaliste : la situation du béluga dans le St-Laurent est désespérée » se lamente Émilien Pelletier.

Les voyants sont au rouge, au rouge clignotant et tout ce qu’on peut faire devrait être fait et être fait rapidement si on veut garder les bélugas dans le St-Laurent, renchérit Robert Michaud. Ces bélugas ont une certaine forme de résilience, il y a de l’espoir mais il faut agir sans tarder ».

Le GEMM vient d’offrir symboliquement en adoption deux bélugas aux premiers ministres Philippe Couillard et Justin Trudeau afin de les sensibiliser aux mesures qu’il faut prendre en urgence pour leur survie. Car la balle est aussi, clairement, dans le camp politique, tant au niveau du gouvernement du Québec que de celui du Canada. D’ailleurs, le gouvernement du Canada a décidé de placer les bélugas sur la liste des espèces en péril.

Plusieurs gros projets de développement d’activités sur le fleuve et la rivière Saguenay sont actuellement sur la table, le gouvernement du Québec a récemment présenté une stratégie de développement maritime du fleuve qui prévoit des activités portuaires supplémentaires, sans oublier un projet minier et d’exportation de gaz naturel qui augmenteront considérablement la circulation maritime dans le parc marin du Saguenay-St-Laurent, où vit la baleine blanche. La désignation d’habitat naturel du béluga pourrait cependant mettre rapidement un terme à ces projets, à tout le moins de sérieux obstacles à leurs réalisations.

 

Source et capture d’écran: information.tv5monde.com, le 14/09/2016

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