Article Reporterre – Publié le 24 septembre 2016 par Émilie Massemin (Reporterre)

Le bruit produit par les activités humaines en mer perturbe gravement la faune aquatique. Sonars militaires causant des échouages massifs, essor des énergies marines et du trafic maritime… les sources de nuisance sont multiples. Scientifiques, politiques et industriels réfléchissent à des solutions.

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Les 12 et 13 mai 1996, en Grèce, douze baleines à bec de Cuvier s’échouent sur les côtes du golfe de Kyparissiakos, après l’utilisation d’un sonar à basse fréquence par un navire expérimental de l’Otan ; en 2000, aux Bahamas, dix-sept cétacés — baleines à bec, petits rorquals, dauphins tachetés — périssent à cause de l’utilisation de sonars à moyenne fréquence par cinq navires militaires ; le 24 septembre 2002, aux Canaries, quatorze baleines à bec font naufrage pendant l’exercice du Neo Tapon… À l’origine de ces hécatombes, un fléau invisible : le bruit sous-marin lié aux activités humaines.

L’examen des corps des animaux laisse peu de doute. « Des bulles de gaz ont été observées dans les organes. Elles seraient à l’origine d’un accident de décompression lié à une remontée à la surface très rapide, signe d’un mouvement de panique », rapporte Olivier Van Canneyt, de l’Observatoire Pelagis. Par contre, il est difficile de distinguer les effets d’un bruit violent sur les oreilles des animaux. En effet, « les cellules de l’oreille interne se dégradent très vite. Pour découvrir des lésions, il faudrait réaliser les prélèvements juste après la mort de l’individu ».

Sans provoquer la mort, le vacarme peut perturber gravement les cétacés. « L’ouïe est le sens premier des mammifères marins, explique Ludivine Martinez, responsable de la cellule Cohabys de l’université de La Rochelle, qui fait l’interface entre chercheurs et industriels. Ils l’utilisent pour se repérer, chasser, communiquer… Par exemple, la solitude des baleines bleues est une illusion : en réalité, elles s’envoient des signaux sur des dizaines voire des centaines de kilomètres ! Si elles ne s’entendent plus à cause du bruit anthropique, cela peut les empêcher de se retrouver pour la reproduction et avoir de graves conséquences sur la survie de l’espèce. »

Les animaux s’arrêtent de manger et restent tétanisés

Ainsi, une étude réalisée en 2010 sur dix-sept baleines bleues et deux baleines à bec de Cuvier révèle que, quand ils entendent des sonars, les animaux s’arrêtent de manger et restent tétanisés, avant de fuir rapidement ou de plonger dans les profondeurs pendant des durées anormalement longues. « D’autres études ont même enregistré des baleines qui modifiaient la fréquence de leur chant pour couvrir le bruit ambiant, complète Mme Martinez. Les mammifères marins ont mis des dizaines de milliers d’années à s’adapter à leur environnement, ils ne peuvent pas gérer l’augmentation très rapide du bruit ces dernières années. »

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Crédit Photo : Reporterre – Un dauphin tacheté de l’Atlantique

Ils ne sont pas les seuls concernés. « Depuis cinq-six ans, nous nous apercevons que l’ensemble de la faune marine est affecté. En particulier les invertébrés comme les mollusques et les calamars, dont les organes internes sont endommagés par le bruit »

Précise Michel André, professeur à l’université polytechnique de Catalogne, directeur du Laboratoire d’applications bioacoustiques et lauréat du Rolex Awards en 2002 pour la conception d’un système anti collision entre cétacés et navires. Le changement climatique pourrait aggraver la situation : «Le réchauffement et l’acidification modifient la salinité et la température des propriétés de la mer qui ont un effet sur la transmission du son. Ces changements vont avoir un impact sur les modes de communication des animaux.»

Toutes les activités humaines bruyantes peuvent être sources de dérangement pour les animaux marins : les activités militaires, mais aussi le trafic maritime, la construction d’éoliennes marines (particulièrement problématique, l’étape du battage des pieux) et leur fonctionnement, les travaux portuaires et la construction de digues, les activités pétrolières — prospection sismique et forages. Leur impact est d’autant plus grand que ces nuisances sont rarement isolées. « Dans la Manche, on a d’un côté une voie maritime très bruyante, de l’autre des parcs d’éoliennes en mer. Cela crée des effets cumulés du bruit qu’on connaît mal », explique Héloïse Berkowitz, doctorante au Centre de recherche en gestion de l’école Polytechnique, qui réalise une thèse sur la coopération entre entreprises en matière de développement durable et s’intéresse notamment à la gestion du problème du bruit marin par les chercheurs, les institutions et les industriels. « L’ampleur de la nuisance dépend aussi de la saison : le bruit en mer Baltique est bien plus problématique pendant la période de reproduction ! »

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