Tout indique que ce sont des activités humaines, soit la pêche et la navigation, qui ont causé la mort de 12 baleines noires de l’Atlantique Nord dans le Golfe du Saint-Laurent.

Le rapport des experts qui ont procédé aux nécropsies de sept cétacés a été dévoilé jeudi matin à Charlottetown, à l’Île-du-Prince-Édouard.

La docteure Émilie Couture, vétérinaire au zoo de Granby, a expliqué que l’équipe avait procédé à «une nécropsie complète».

 «On les a vraiment regardées de la tête à la queue en détail pour tenter de déterminer la cause de la mort», a-t-elle imagé.

Les résultats de leurs recherches démontrent que ces décès ont probablement été causés par des collisions avec des navires dans au moins quatre cas et probablement un cinquième, et qu’un empêtrement dans des filets de pêche au crabe des neiges a clairement causé la mort d’un cétacé et probablement d’un deuxième, dont le rapport n’est pas encore finalisé.

 «C’est certain que l’empêtrement dans des cordages de pêche est une cause de mortalité observée chez plus d’un individu», a tranché la vétérinaire.
 Les cicatrices retrouvées sur ces deux cadavres démontrent un «empêtrement chronique» dans des cordages utilisés par les pêcheurs de crabe, a expliqué Mme Couture.

Les experts précisent qu’ils ne peuvent avoir une certitude absolue quant aux décès attribués à des collisions avec des navires en raison de l’état de décomposition des animaux et de l’incapacité à déterminer précisément leur historique de vie avant la mort, mais il fait peu de doute dans leur esprit que, là aussi, leurs conclusions sont solides.

Les nécropsies sur cinq baleines démontrent qu’elles ont subi des hémorragies internes attribuables à des «traumatismes contondants» qui ne peuvent être expliqués autrement que par des collisions avec des navires.

L’hypothèse d’une cause sous-jacente, selon laquelle les baleines aient été désorientées ou affectées par une maladie ou une intoxication, a par ailleurs été écartée, selon la vétérinaire :

«Toutes nos analyses nous poussent à croire qu’il est très peu probable que ces différents facteurs aient joué un rôle dans les mortalités.»

Mesures efficaces

Les experts notent que les mesures d’urgence adoptées pour tenter de sauver les baleines semblent avoir corrigé le problème.

« Les résultats que l’on voit aujourd’hui confirment qu’on a pris des actions appropriées pour mettre en place des zones de vitesse réduite et des restrictions sur les engins de pêche au cours de l’été », a soutenu Matthew Hardy, porte-parole de la direction régionale des sciences de Pêches et Océans Canada.

La porte-parole de Transport Canada, Jane Weldon, a indiqué que les limites de vitesse seront levées lorsque les observations confirmeront la migration des cétacés vers le sud, mais a assuré en contrepartie que ces mesures seront imposées « là où les baleines se seront déplacées ».

Les différentes mesures de protection ont incommodé les transporteurs maritimes commerciaux, les croisiéristes et les pêcheurs de crabe, mais ceux-ci peuvent s’attendre à devoir composer avec les mêmes contraintes l’été prochain.

« Ce n’est pas une option de ne rien faire. (…) Avoir un taux de mortalité tel qu’on la vécu cette année n’est pas acceptable », a affirmé Matthew Hardy.

Les ministres fédéraux des Pêches et des Transports, Dominic LeBlanc et Marc Garneau, n’ont pas tardé à lui donner raison.

Dans une déclaration conjointe qui a suivi la présentation du rapport, les deux ministres ont affirmé vouloir « poursuivre les mesures afin d’assurer à ces mammifères marins une protection pour les générations à venir », ajoutant que les résultats des nécropsies confirment que les mesures pour ralentir les navires et fermer certaines pêches « étaient justifiées ».

Notant que ces baleines migrent habituellement hors des eaux canadiennes avant le mois de décembre, les ministres LeBlanc et Garneau promettent de rencontrer, au cours des prochains mois, les représentants des industries de la pêche et du transport maritime, les communautés autochtones, les scientifiques et les autorités américaines afin de prévoir les démarches pour l’été prochain.

Menace d’extinction

Pour le vétérinaire Pierre-Yves Daoust, professeur au Collège vétérinaire de l’Atlantique et qui était parmi les experts sur le terrain, la question ne se pose même pas :

« L’urgence est évidente ; c’est une espèce en très grand danger d’extinction et une seule mortalité par année dans cette population très menacée, déjà, c’est sérieux. »

La mortalité inédite survenue lors de l’été 2017 s’explique en partie par un nombre inhabituellement élevé de baleines noires dans le Golfe cette année, alors qu’environ 115 individus y ont été observés.

La population totale de la baleine noire de l’Atlantique Nord est estimée à 458 individus et l’espèce est menacée d’extinction.

Outre les 12 décès rapportés dans le Golfe du Saint-Laurent, trois autres baleines ont trouvé la mort dans les eaux américaines, soit un total de 15, ce qui représente un impact d’une « ampleur énorme » sur la population, selon le docteur Daoust.

« Cela fait, de 2017, l’année la plus meurtrière que nous ayons vue pour la baleine noire de l’Atlantique Nord depuis l’époque de la pêche à la baleine », a laissé tomber Tonya Wimmer, directrice de la Marine Animal Response Society.

« Ces pauvres bêtes semblent surmonter les difficultés très souvent, a fait valoir Mme Wimmer, mais on peut se demander à quel prix et pour combien de temps ? »

Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne

Source : Le Huffington Post Quebec – Publié le 05 Octobre 2017
Photo d’illustration : Pixabay
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