Vous nous avez demandé si le parc aquatique avait monnayé son label de protection des animaux « Humane Conservation » délivré par une grande association américaine.

Le 2 février, le parc animalier Marineland, situé à Antibes (Alpes-Maritimes), reçoit le label «Humane Certified», décerné dans le cadre du programme « American Humane Conservation ». Il devient le troisième parc d’Europe à recevoir cette distinction. L’un des critères pour l’obtenir ? Que les animaux soient bien traités.

Dans son communiqué du 2 février, Marineland ne manque pas de se féliciter de cette labélisation. Normal, vu le contexte : en 2015 et 2016, le parc est dans la tourmente. Après la mort d’un orque due à de violentes intempéries et plusieurs mois de fermeture, des plaintes sont déposées pour maltraitance contre le parc.

« Nous félicitons [Marineland] d’avoir ouvert ses portes en toute transparence et de s’être prêté à un audit exhaustif des milliers d’animaux qu’il héberge. Puisqu’il répond aux nombreuses exigences du programme en termes de bien-être, Marineland rejoint le groupe restreint des 3 parcs européens agréés par cette certification », indique dans un communiqué le Dr Kwane Stewart, responsable vétérinaire de l’association American Humane (AHA), l’autorité certificatrice, dans le communiqué conjoint.

La question posée sur Checknews porte sur les conditions d’attribution de cette certification.

Qu’est ce qu’American Humane ?

American Humane est une organisation américaine, vieille de plus d’un siècle, spécialisée dans la protection des animaux. On lui doit notamment le label « Raised and Handled » (« élevé et manipulé »), décerné aux fermes d’élevage et aux abattoirs jugés les plus respectueux des conditions de vie des bêtes à poils et à plumes. Elle décerne également le label « No Animal were harmed » (« Aucun animal n’a été blessé ») – récurrent dans les films et séries qui mettent en scène des animaux.

Depuis juin 2016, l’AHA a lancé un programme de certification des parcs animaliers dans le monde nommé « Humane Conservation ». L’organisation écrit que dans un contexte où de nombreuses espèces sont menacées : « Les zoos, les aquariums et les centres de conservation sont devenus des arches modernes de l’espoir pour toutes ces créatures et ils ont un rôle encore plus vital qu’auparavant à jouer [dans la protection des espèces animales]. ». Marineland est le premier parc français et le troisième parc européen à avoir décroché ce label.

Trois mois de paperasse, quatre jours sur place

Alors comment s’est déroulée la labellisation du parc azuréen ? Le communiqué publié par Marineland évoque un « long et rigoureux audit tripartite »« Tripartite ? Je ne sais pas pourquoi on a employé ce mot », s’amuse John Kershaw, directeur animalier de Marineland. L’audit a en fait été réalisé par trois personnes, ce qui amène à l’hypothèse d’une erreur de traduction. Ce « tripartite » serait une mauvaise traduction de « third-party », terme qui revient dans les communiqués d’AHA pour dire que les trois « experts indépendants », qui ont certifié le Marineland n’appartenaient ni au parc, ni à l’association.

Ni les uns ni les autres ne nous ont par contre communiqué l’identité ou les qualifications exactes de ces experts. John Kershaw, détaille cependant comment « la vétérinaire, la comportementaliste et la consultante en soin des animaux » ont travaillé dans le parc : « Trois mois avant de venir, elles nous ont demandé toute la paperasse. Elles voulaient tout savoir sur les protocoles, les naissances, les inventaires, tout ce qui concerne l’eau, la taille des enclos… On a tout envoyé, c’était une procédure très lourde. » Après ces trois mois d’audits, les trois spécialistes sont venues quatre jours sur place, un peu avant Noël 2017. Un mois plus tard, Marineland était le 17e parc animalier au monde à obtenir le label « Humane Conservation ».

Prix secret

Le Marineland d’Antibes appartient à l’entreprise espagnole Parques Reunidos, qui possède plusieurs dizaines de parcs zoologiques ou d’attraction un peu partout dans le monde. C’est elle qui a joint l’AHA pour obtenir la certification. Contacté par courrier électronique, un responsable de Parque Reunidos se félicite : « Nous avons volontairement ouvert nos portes à des experts indépendants […] afin de maintenir notre engagement pour le bien-être des animaux ». Selon lui, le processus a pris « environ deux mois », soit un de moins que dans la version de Kershaw. La direction espagnole ajoute que l’entreprise cherche à étendre le label à d’autres de ses parcs, sans dire lesquels.

Interrogé sur le coût de la démarche, notre interlocuteur se fait plus évasif : « Des frais [fee] sont payés à l’organisation à but non lucratif qui gère le programme Humane Conservation pour couvrir les coûts des experts indépendants et de leur voyage […] Ce paiement ne garantit en aucun cas l’obtention de la certification […] ». Relancé par une demande de précisions sur ces frais, le responsable de Parques Reunidos répète et conclut l’échange : « Ils sont payés à l’organisation à but non-lucratif de protection des animaux American Humane pour couvrir les coûts de l’audit. »

Du côté de l’AHA, on n’en dit pas beaucoup plus : « Il y a une seule enveloppe, qui couvre l’ensemble des dépenses associées à la certification. » Cette explication diffère de celle du directeur animalier de Marineland, John Kershaw. Il dit ne pas avoir vu les factures, mais assure que le siège, c’est-à-dire la maison mère Parques Reunidos, a demandé à Marineland d’héberger les trois expertes dans l’hôtel du parc, et de les défrayer pour le transport et la nourriture.

Précédent espagnol

Pour évaluer le prix que doit payer un parc animalier pour être certifié par l’AHA, nous avons contacté le Loro Parque de Tenerife, qui a obtenu avant lui le même label que Marineland. A noter que pendant plusieurs années, le Loro Parque avait lui aussi été au cœur de polémiques et des associations de défense des animaux l’accusaient de maltraiter ses orques.

Le directeur de l’environnement de Loro Parque, Javier Almuna, nous confirme par mail que, comme pour Marineland, c’est bien le parc qui a fait la démarche auprès de l’AHA pour être certifié. Le processus s’y est déroulé de la même manière que pour le parc d’Antibes : avant de venir, les experts «indépendants» – tous nos interlocuteurs sont très attachés à ce mot – demandent de nombreux documents, puis passent quatre jours sur place. Ils envoient ensuite le résultat de leurs observations et de leurs concertations à l’AHA qui «les vérifie et communique le résultat au zoo», poursuit Javier Almuna.

«Il existe un engagement de confidentialité entre American Humane et le zoo [de Loro Parque] qui m’empêche de vous donner le nom de ces experts», nous oppose le responsable du parc. Tout juste nous précisera-t-il qu’il s’agit « de professionnels (vétérinaire, biologiste, éthologue) avec entre vingt et trente ans d’expérience dans leur domaine ».

Et combien a dû débourser Loro Parque pour ce faire ? Là aussi, Javier Almuna est taiseux : « C’est un prix de marché, il varie selon la taille du zoo. Vous devriez contacter American Humane. » Ce que nous avons fait. L’AHA n’a jamais donné suite à nos nombreuses relances.

Critiques répétées

L’association a fait l’objet de critiques à plusieurs reprises. Le site Vegemag, qui s’est intéressé à la certification de Marineland pointe également du doigt le fait que l’AHA est présentée comme un «partenaire» sur le site de Seaworld, une chaîne américaine de parcs aquatiques qui avait été vivement critiquée pour les mauvaises conditions de vie de ses animaux (notamment par le documentaire Blackfish). Toutefois, aucun parc Seaworld n’est labellisé «Humane Conservation» par l’AHA.

En juin 2015, on a aussi reproché à l’AHA d’avoir certifié un abattoir de l’entreprise Foster Farms en dépit des mauvais traitements subis par les volailles (ce qu’avaient capté des caméras cachées).

Présente sur les plateaux de films ou de séries, l’association avait enfin été accusée d’avoir labellisé «No Animals were harmed» des productions alors que des cas de maltraitance animale avaient été constatés lors des tournages. The Hollywood Reporter est à l’origine de ces révélations. Dans une longue enquête publiée en 2013, le docteur Kwane Stewart, à l’époque responsable du programme «No Animals were harmed», se défendait de toute collusion avec l’industrie cinématographique. C’est ce même Kwane Stewart, aujourd’hui directeur du programme Humane Conservation, qui intervient dans le communiqué de Marineland pour féliciter le parc, qui « répond aux nombreuses exigences du programme en terme de bien-être ».

Source : liberation.fr, le 16.02.2018
Photo de Une : Réseau-Cétacés

 

Pour rappel, Réseau-Cétacés a déposé, en décembre 2015, une plainte à l’encontre de Marineland pour maltraitance, acte de cruauté et mise à mort sans nécessité. Celle-ci est toujours à l’instruction…

 

 

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