A quelle vitesse croissent les populations de baleines à bosse ? Jusqu’à présent, les scientifiques pensaient que l’augmentation du nombre d’individus était assez faible au fil des ans. Mais les constatations réalisées par une équipe de chercheurs américains suggèrent un taux de croissance plus important…

Elle glisse majestueuse, dans les eaux glacées de l’Antarctique. Elle, c’est la jubarte ou la baleine à bosse, Megaptera novaeangliae de son petit nom savant. Une baleine longtemps chassée de manière effrénée jusqu’à ce que son déclin rapide n’entraîne en 1966 un moratoire interdisant sa chasse. Depuis, sa population durement éprouvée remonte à son niveau d’avant la pêche industrielle. Une remontée lente, plus lente qu’elle ne devrait selon les données d’une étude publiée dans la revue Royal Society Open Science le 2 mai 2018.

Un paradoxe : le taux de grossesse est élevé, pourtant le taux de croissance de la population reste faible

Afin de comprendre la dynamique de ce rétablissement de population, l’équipe de chercheurs à l’origine de cette étude a prélevé des échantillons de peau et de graisse chez les baleines à bosse adultes, durant l’été et l’automne australs, en 2010 et de 2013 à 2016. Le profilage génétique des 577 échantillons de tissus a permis d’identifier 239 mâles et 268 femelles. Les concentrations de progestérone – une hormone impliquée dans la gestation chez les mammifères – au sein des échantillons de graisse des femelles indiquent que 63,5% d’entre elles étaient enceintes. Les chercheurs ont aussi remarqué qu’au sein de leur échantillon 54,5% des femelles qui étaient accompagnées d’un baleineau étaient gravides. Ce qui suggère que les baleines à bosse peuvent avoir un petit par an.

Il est possible que l’apparition d’un cycle de grossesse annuel dans cette population de baleine à bosse résulte de la mortalité précoce d’un baleineau ou de la perte d’un fœtus au cours du cycle précédent. Il peut aussi être une réponse à des conditions écologiques favorables. Mais l’occurrence fréquente d’un cycle reproductif annuel, associée à un haut taux de grossesse moyen (63,5%, chez les femelles à bosse) suggère une population en croissance rapide. La population de baleines à bosse devrait donc se rétablir à la limite physiologique estimée de l’espèce ou près de celle-ci. Autrement dit avoir un taux de de croissance d’environ 10% par an, loin au-dessus du taux de 3,4% annuel, estimé jusqu’alors.

Deux facteurs peuvent expliquer cette différence. Le premier serait plutôt une bonne nouvelle pour les baleines à bosse. Selon cette hypothèse, l’estimation de la croissance de la population de jubartes serait faiblement biaisée et le taux de croissance de 3,4 % en dessous de la réalité. Mais l’autre possibilité serait plus sombre. L’explication pourrait être que les femelles gravides connaissent des taux très élevés de pertes périnatales ou de mortalité de leurs baleineaux dans les aires de reproduction. Auquel cas ce serait le taux de croissance de 10 % qui serait surestimé et la baleine à bosse se remettrait moins vite et moins bien de l’effroyable exploitation que lui a fait subir l’Homme.

Source : Sciences et avenir – Publié le 20 mai 2018
Photo de une : Pixabay 

 

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