L’observation est rarissime dans le Saint-Laurent. Une baleine bleue a été aperçue au cours des derniers jours en compagnie de son baleineau, nageant dans l’estuaire. Mais la santé de la population de cette espèce en voie de disparition demeure très inquiétante, souligne le fondateur de la Station de recherche sur les cétacés des îles Mingan (MICS), Richard Sears.
La baleine bleue est le plus gros animal de toute l’histoire planétaire. À l’âge adulte, ce géant des mers peut atteindre près de 30 mètres de longueur, pour un poids de plus de 100 tonnes. Et cette espèce, décimée par la chasse commerciale et classée « en voie de disparition » par le gouvernement fédéral, fréquente les eaux du Saint-Laurent de façon régulière.
Le problème, c’est que les chercheurs du MICS ont aperçu très peu de jeunes baleines bleues dans l’estuaire et le golfe depuis qu’ils ont lancé leurs travaux de recherches annuels, il y a de cela 40 ans.
Le baleineau aperçu au cours des derniers jours au large de Pointe-des-Monts, sur la côte nord, était seulement le 24e jeune observé par l’équipe de Richard Sears.
« On voudrait ouvrir une bouteille de champagne quand on en voit un, tellement c’est rare. Mais les jeunes sont trop peu nombreux, selon ce qu’on voit. À ce rythme-là, la population risque de se rétablir trop lentement, dans le meilleur des cas », déplore-t-il.
Il faut dire que dans la portion nord-est de l’Atlantique, la population de baleines bleues se limiterait à seulement 250 individus adultes. Un nombre extrêmement faible — plus faible que la population de baleines noires — et qui semble indiquer que l’espèce ne s’est jamais remise de la chasse commerciale.
Problème de reproduction
« Il semble y avoir un problème de reproduction, même si on ne peut pas en être sûr à 100 %. Mais il aurait été étonnant, en 40 ans, de ne pas apercevoir davantage de jeunes, si la population était en santé » souligne M. Sears.
Il revient d’ailleurs d’une campagne de recherche dans le secteur des Açores. Dans cette région, uniquement cette année, il a pu observer cinq baleineaux bleus.
« Aux Açores, nous avons déjà plus de 30 veaux observés sur une plus courte période et avec des efforts de recherche beaucoup moins importants que dans le Saint-Laurent. »
Richard Sears souhaiterait d’ailleurs que davantage d’efforts soient faits pour mieux comprendre la situation de la population de baleines bleues qui fréquente les eaux du Saint-Laurent une bonne partie de l’année.
« Cette espèce est aussi menacée que la baleine noire », rappelle-t-il.
On ignore, par exemple, si certains secteurs sont privilégiés par les baleines pour leur alimentation, qui peut nécessiter quotidiennement près de quatre tonnes de krill. La zone de reproduction de ces mammifères marins demeure également toujours un mystère. Dans ce contexte, il est difficile de savoir quels habitats devraient être protégés pour permettre à l’espèce de se rétablir.
L’équipe du MICS espère maintenant que ce baleineau — qui doit déjà mesurer plus de sept mètres, pour un poids d’au moins trois tonnes — survivra à sa première année de vie, « la plus dangereuse et la plus difficile « . Quant à sa mère, elle est connue par les chercheurs depuis 1994. Mais jusqu’à cette année, on ignorait son sexe.