Depuis l’année dernière, la brigade Quiétude intervient en mer pour sensibiliser aux bonnes pratiques d’approche des baleines. Beaucoup de comportements laissent encore à désirer.
C’est la fin d’après-midi en ce dimanche du mois d’août. Une période souvent critique pour l’observation des baleines.
« Si une baleine se trouve à ce moment là près du port de Saint-Gilles, tous les bateaux des plaisanciers vont se diriger vers elle car il leur reste peu de temps pour profiter », prévient Ludovic Hoarau, chargé de mission au sein de la brigade Quiétude.
Et en effet, quelques minutes plus tard, c’est la foire d’empoigne. Une dizaine de bateaux tentent d’approcher une baleine et son baleineau. Ils devraient être trois, au maximum, selon la Charte d’approche et d’observation responsable des mammifères marins et des tortues marines. Plusieurs groupes de baigneurs se mettent aussi à l’eau pour tenter d’approcher les cétacés. Ils sont 13 et nagent en ordre dispersé. Ils devraient être 10. C’est exactement le type de comportement que tente de prévenir la brigade Quiétude. Elle a été créée l’an dernier, dans le cadre des mesures compensatoires du chantier de la NRL. Deux agents s’y consacrent à temps plein, chaque week-end et plusieurs jours de la semaine.
« une phase critique de leur vie »
Inlassablement, ils s’approchent des bateaux pour leur rappeler les points les plus importants de la charte. Ils n’ont pas de pouvoir de police. Ils sont là pour sensibiliser. Leur présence est essentielle. Elle est même réclamée par les professionnels de la mer, conscients de la manne exceptionnelle que représente la saison des baleines. Dans la majorité des cas, c’est avec les plaisanciers et les bateaux de location que les mauvaises pratiques sont constatées. Or, ces derniers représentent 35 à 40 % du « whale watching », l’observation des baleines.
« La charte a été conçue pour respecter les moments de quiétude des baleines, rappelle Ludovic Hoarau. Si nous perturbons leur comportement naturel, il peut y avoir des effets sur leur taux de survie. »
La migration des baleines dans l’océan Indien est un temps fort de leur existence. Les mères mettent bas puis allaitent leur baleineau, les mâles se disputent les femelles, se reproduisent… Si trop de bateaux viennent perturber les cétacés, ce sont toutes ces phases de vie qui sont compromises. C’est particulièrement vrai pour les femelles. Trop souvent gênées, elles vont mettre de l’énergie à s’éloigner des bateaux. Or, une femelle ne se nourrit plus pendant l’allaitement. Entre le moment de mise bas et le retour vers l’Antarctique, elle peut perdre jusqu’à un tiers de son poids.
« La migration est une phase critique de la vie des baleines. Il faut les respecter à tout prix », souligne Sylvain Delaspre, le deuxième membre de la brigade Quiétude.
Comportements dangereux
L’an dernier, celle-ci a réalisé 956 observations en phase de «whale watching». Globalement, la charte était respectée dans 82 % des cas. Les grands principes sont connus : rester à 100 mètres des cétacés, réduire sa vitesse, ne pas les encercler avec les autres bateaux… Selon les observations de Quiétude, il y a trois fois plus de chance que la baleine conserve son comportement naturel ou se rapproche du bateau si la charte est respectée. Mais c’est surtout avec les mises à l’eau des baigneurs que les règles de la charte sont bafouées. Moins de 32% de respect ! Pourtant, les principes d’approche sont faciles à respecter : il faut nager en groupe, rester à 15 mètres minimum, ne pas crawler, être équipé de palmes, masque et tuba ainsi que d’une bouée de signalisation et ne pas être à plus de dix baigneurs. L’excitation des plaisanciers les pousse pourtant à oublier les règles de base de sécurité. Quiétude a déjà vu certains d’entre-eux se mettre à l’eau et laisser le bateau dériver, sans personne dessus pour venir les récupérer ! Certains osent aussi se mettre à l’eau à proximité des groupes actifs. Il s’agit de mâles, entre deux et dix animaux de 20 à 30 tonnes chacun, qui grognent, se chargent et sautent pour se disputer les faveurs d’une femelle. « Dans ce cas là, ce n’est plus une question de respect de la charte mais de bon sens », estiment les membres de la brigade. C’est peu connu mais les baleines peuvent aussi adopter des comportements de défense appelés agonistiques. Elles vont battre la surface de l’eau avec leur nageoire pectorale ou caudale avec plus ou moins de virulence. Si des baigneurs se trouvent à côté, c’est une masse de 500 kilos à plus de 2 tonnes qui peut les percuter. Aucun incident n’ a été rapporté à la Réunion. Mais ailleurs dans le monde, des cas d’accidents mortels ont déjà eu lieu.
« L’an dernier une baleine et son baleineau étaient en phase de repos. Des baigneurs étaient trop proches d’eux. La mère a sondé puis est ressortie en sautant juste à côté des personnes. Ils étaient choqués. Ils ont eu beaucoup de chance », rapportent Ludovic Hoarau et Sylvain Delaspre. « C’est quasiment unique au monde de sortir du Port, de pouvoir observer une baleine après 2 minutes de navigation et de pouvoir se mettre à l’eau pour l’observer en toute liberté », ajoutent-ils. Autant en profiter le plus respectueusement possible.
Source : Clicanoo – Publié le 27 août 2018
Photo de une : Pixabay