Une étude menée par des spécialistes des cétacés confirme le danger que représentent les sonars militaires pour les cétacés, notamment les baleines à bec de Cuvier.

A l’instar des humains qui pratiquent la plongée, les baleines à bec peuvent souffrir de la maladie de décompression lorsqu’elles sont confrontées à des sonars militaires, confirment des chercheurs qui recommandent de limiter le recours à ces équipements en Méditerranée.

Des échouages massifs de cétacés se sont accrus avec le développement des sonars à moyenne fréquence

Le lien entre les échouages massifs de certaines espèces de baleines et les exercices militaires en mer utilisant des sonars de moyenne fréquence est « très clair », assure à l’AFP Yara Bernaldo de Quiros, de l’Université de Las Palmas de Gran Canaria (Espagne). Elle signe avec 20 autres spécialistes des cétacés une étude parue le 31 janvier 2019 dans la revue Proceedings of the Royal Society B, qui fait le point sur la question. Les scientifiques se sont concentrés sur le cas des baleines à bec, notamment celle de Cuvier. Ces mammifères marins très discrets, qui passent la majeure partie de leur temps sous l’eau, sont des champions de la plongée, à la fois en profondeur et en durée d’apnée.

Un échouage de cétacés est qualifié de « massif » lorsque deux individus ou plus viennent mourir sur le rivage dans la même zone géographique et sur une durée rapprochée.

« Alors que les échouages massifs de baleines à bec étaient très rares avant les années 1960, ils se sont nettement accrus avec le développement de sonars à moyenne fréquence » (4,5-5,5 kHz) utilisés par les navires militaires pour détecter des sous-marins », souligne l’étude.

Entre 1960 et 2004, 121 échouages collectifs de baleines à bec ont été recensés. La baleine de Cuvier est l’espèce la plus touchée avec 61 échouages collectifs.

Des cétacés qui meurent à cause d’un problème de décompression

Si la simultanéité entre ces événements et les exercices navals a commencé à être repérée dès la fin des années 1980, la raison médicale de la mort des cétacés n’a été établie qu’après l’échouage massif de 14 baleines à bec en 2002, sur une île des Canaries lors d’un exercice naval de l’OTAN. L’autopsie des cétacés, menée dans la foulée par l’équipe d’Antonio Fernandez de l’Université de Las Palmas de Gran Canaria, a révélé des lésions correspondant à la maladie de décompression. Celle-ci est due à la formation de bulles de gaz, notamment d’azote, dans les tissus et les vaisseaux suite à des changements de pression.

Mais pourquoi ces « as de la plongée » seraient-ils confrontés au même mal que le plongeur qui ne respecte pas les consignes de sécurité ?

« Nous pensons que c’est en raison du stress », indique Yara Bernaldo de Quiros. « Vraisemblablement, les baleines prennent peur » et « s’éloignent très vigoureusement » de la source du bruit, dit-elle. « La réponse au stress prend le pas sur le comportement habituel de plongée ». De l’azote s’accumule dans le corps des cétacés, des bulles de gaz se forment et peuvent provoquer une embolie ou une détérioration des organes.

Préoccupé, le Parlement européen a appelé en 2004 à adopter un moratoire sur le déploiement de ces sonars militaires de forte intensité.

« Seule l’Espagne a adopté ce moratoire, qui est appliqué uniquement dans les eaux des Canaries », dans l’Atlantique, relèvent les chercheurs de l’étude. « Depuis le début de ce moratoire en 2004, aucun échouage massif de baleines à bec n’a été détecté aux Canaries », se félicitent les chercheurs, qui recommandent « un moratoire sur les sonars moyenne fréquence dans les régions où des échouages massifs continuent à se produire, comme la Méditerranée ».

Source : Maxisciences – Publié le 30 janvier 2019
Photo de une : Lesbaleines.net

 

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