Comme chaque année, entre janvier et mars, des centaines de cétacés s’échouent sur les plages de l’atlantique après avoir été capturés accidentellement par des chalutiers.
« Échouage de milliers de dauphins sur les côtes françaises : stoppons ce carnage ! ». Dans un courrier qu’il vient d’adresser au ministre de l’Agriculture, le président de la Ligue de Protection des Oiseaux, Allain Bougrain-Dubourg, dénonce « l’inaction du gouvernement pour protéger les cétacés » des engins de pêche. Si des cadavres de cétacés sont retrouvés chaque année sur les côtes et que des milliers de dauphins meurent en mer à cette période, c’est en grande partie parce qu’ils ont été pris dans les filets des chalutiers qui traquent le bar.
Un dauphin échoué sur l’île de Ré (Charente-Maritime) avec la queue amputée. Un autre retrouvé à Talmont-Saint-Hilaire (Vendée) avec la mâchoire fracturée. Un troisième découvert mort dans un piteux état, victime de blessures à l’œil, au maxillaire inférieur et à la nageoire pectorale, occasionnées lors du rejet à la mer du cétacé à l’aide d’une gaffe (NDLR : perche munie d’un croc utilisée sur les bateaux). Un dernier, enfin, dont le dos a été découpé lors des manipulations sur le pont d’un navire.
Écœurée de découvrir chaque hiver des cadavres de cétacés sur les plages, l’association Ré nature environnement les a photographiés en pointant, tel un rapport d’autopsie, les indices prouvant qu’ils sont morts après avoir été accidentellement capturés par des pêcheurs. Car année après année, entre le mois de janvier et le mois de mars, soit en plein cœur de la saison de pêche au bar et au merlu, le même scénario macabre se reproduit : des centaines de dauphins s’échouent sur la côte atlantique quelques heures ou quelques jours après avoir été pris dans les filets des chalutiers.
Entre 3 500 et 4 000 morts par an
Et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg car 80 % des mammifères marins morts en mer coulent et se décomposent avant d’atteindre les plages.
« On a comptabilisé 800 échouages en 2017 et 700 en 2018, mais on estime que cela représente 3 500 à 4 000 dauphins morts à chaque fois », explique Sophie Mjati, chargée de mission mer et océans à France Nature Environnement.
L’observatoire Pelagos, qui effectue un suivi des échouages, en a dénombré depuis quinze jours plus de deux cent le long du golfe de Gascogne, principalement dans les Landes, la Gironde et la Vendée.
« La semaine dernière, sur une plage de Gironde, on a retrouvé dix-sept animaux », détaille Hélène Peltier, ingénieure de recherche à Pelagos.
L’observatoire a constaté que 90 % des animaux retrouvés sur les plages portaient des traces de capture accidentelle : marques de filets sur la peau, nageoires coupées, bec fracturé mais aussi marque d’asphyxie et d’hémorragie interne.
Des systèmes d’effarouchement acoustique
Les chalutiers pélagiques, qui ratissent parfois la mer à deux bateaux (NDLR : on les appelle les chaluts-bœufs) pour capturer des bars, ou ceux qui utilisent des filets maillants sont pointés du doigt par les associations écologistes. Pour éloigner les dauphins, certains bateaux se sont dotés de systèmes d’effarouchement acoustique, appelés pingers.
« Mais toutes les pêcheries ne sont pas équipées », déplore Sophie Mjati. « Nous souhaiterions qu’il y ait systématiquement des observateurs à bord des bateaux pour mieux comprendre l’interaction entre les activités de pêche et les dauphins, mais ce n’est pour le moment qu’au bon vouloir du capitaine ».
Alors que les fileyeurs et chalutiers pélagiques constatent au quotidien la présence de cétacés sur les zones de pêche qu’ils fréquentent, une expérimentation a été menée entre février et avril 2018. Trois paires de chalutiers équipés de pingers ont mis en œuvre un protocole de test scientifique qui a porté ses fruits : les navires équipés ont constaté une diminution de 65 % des captures accidentelles de dauphins. Ils ont donc décidé de renouveler le même protocole cette année.
Une installation de pingers généralisée ?
« C’est un calvaire et ça nous désole de capturer accidentellement des dauphins », certifie le directeur général du comité national des pêches maritimes Hubert Carré. Il souhaite que l’installation de pingers soit généralisée sur les chalutiers et fileyeurs français et que l’on arrête de « stigmatiser » les pêcheurs battant pavillon tricolore.« Ce n’est pas parfait, mais on fait tout pour que ça le devienne alors que certaines flottilles qui pêchent dans le golfe de Gascogne sont, elles, moins regardantes ».
Source : Le Parisien – Publié le 9 février 2019
Photo de une : Bruno – Correspondant Océanopolis et Observatoire Pélagis
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