Je m’appelle Alexander. Enfin je m’appelais. C’est le prénom qui m’a été donné à ma naissance, et tout le monde me surnommait Alex. Je suis né en 1980, dans une fratrie très protectrice et unie. Depuis que je suis ici (ne me demandez pas l’endroit exact, je n’en ai aucune idée), les gens qui s’occupent de moi m’ont donné un nouveau prénom, auquel je ne réagissais pas au début. J’ai mis un peu de temps à m’y faire et à comprendre qu’ils s’adressaient bien à moi lorsqu’ils prononçaient le mot « Reykja». Il faut dire qu’on ne parle pas exactement le même langage. Je suis né en Islande, cependant je suis arrivé ici, il y a presque trente ans. J’ai appris à décoder leurs gestes et leurs sons, pour obtenir de quoi manger en échange de ce qu’ils attendaient de moi : l’obéissance.

Ma vie a basculé en 1984. C’était il y a si longtemps… Ma mère m’avait pourtant bien dit de ne jamais m’éloigner d’elle, mais à quatre ans, on ne comprend pas encore les dangers et les insécurités de notre monde. On est curieux, plein de vie, on fait confiance facilement. Cette erreur va me coûter ma liberté. Mais je ne pouvais alors pas imaginer le calvaire qui m’attendait. Mes compagnons d’infortune non plus, d’ailleurs. Car oui, nous sommes plusieurs ici. J’en ai vu passer, des âmes perdues, tristes et apeurées. Rares sont ceux toujours en vie, beaucoup n’ont pas tenu le choc de la séparation, de l’enfermement. Parfois même, des bagarres éclatent. C’est un environnement difficile malgré la bonne humeur et les rires des personnes qui s’occupent de nous. Je ne comprends toujours pas ce qui peut bien les rendre aussi heureux. À croire qu’ils ne se rendent pas compte de notre douleur malgré les nombreuses morts ayant lieu plusieurs fois par an. Des morts qui semblent de faible importance, puisque toujours remplacés par de nouveaux arrivants.

Pourtant moi, je suis bel et bien là. Ce n’est pas que je me plaise ici. Au contraire. Je dois être un peu plus résistant que les autres, malgré mes dents très usées à force de mâchouiller nerveusement tout ce qui se présente à moi. Peut-être aussi parce que j’ai toujours espoir. Espoir qu’un jour, je retrouve mes proches. Mes parents sont âgés maintenant, mais sûrement encore vivants. Et mes sœurs… Elles sont probablement devenues mères à leur tour. Je dois rester fort, obéir aux ordres, me nourrir, pour espérer qu’un jour ils me retrouvent, m’emmènent avec eux, afin de retrouver ma liberté volée il y a des années. Voilà ce qui me fait tenir depuis ma capture, survenue à Hùsavik, en 1984. Vous aussi, vous pouvez m’aider. Comment ? Tout simplement en ouvrant les yeux… Voici mon histoire.

 

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