Traduction par Léana Bag & David Delpouy, pour Réseau-Cétacés, de l’article The Silent Massacre Of The Amazon River Dolphin, publié le 18 décembre 2018.

C’est dans les profondeurs de la forêt amazonienne, au début des années 2000, que le massacre a commencé. Les bébés dauphins n’étaient pas épargnés, pas plus que les femelles gestantes du ventre desquelles les petits étaient découpés, comme d’une vulgaire pièce de viande morte suspendue chez le boucher.

Sans hésitation ni l’ombre d’un remord, on peut voir sur certaines photos ces monstres sanguinaires découper le bébé dans  le ventre de leur mère, et le jeter sur le côté. Aujourd’hui, le Brésil interdit cette chasse, mais les braconniers s’obstinent et, encore au Pérou, le boto est  massacré simplement pour servir d’appât.

Le dauphin rose de l’Amazone ou boto, communément désigné sous la terminologie scientifique Inia geoffrensis, n’est pas chassé pour être consommé.

De même que dans l’Ouest beaucoup de pêcheurs capturent de petits poissons pour en attraper de plus gros, l’idée est la même avec le dauphin rose. Celui-ci est tué, réduit en pavés de viande, puis jeté dans des caisses pour servir à capturer une petite espèce de poisson communément appelée piracatinga. Ce dernier raffole de la chair putréfiée d’animaux morts, en l’occurrence celle du boto.

Aujourd’hui, vous êtes probablement au courant des massacres de dauphins organisés dans certaines régions du Japon, mais qu’en est-il de ceux perpétrés en Amazonie ? Certains conservateurs font la politique de l’autruche tandis que ces fumiers arrachent les coeurs et les âmes de la faune aquatique.

Au début de l’année 2018, environ deux mille dauphins roses de l’Amazone ont été tués. Des organisations vouées à la préservation de la faune sauvage, d’Europe et d’Amérique du Sud et du Nord, dénoncent toutefois ces pratiques et ont depuis remis une pétition regroupant 50 000 signatures.

Si le Brésil peut interdire cette chasse, le braconnage peut-il être enrayé ? En outre, la chasse illégale cessera-telle également au Pérou, en Équateur, au Venezuela, en Colombie, en Bolivie, en Guyane, au Surinam et en Guinée française ?

Personne n’a mis fin à ces tueries, et à l’extérieur de l’Amazonie, nombreux sont les individus qui ignorent l’existence de ces abominables atrocités. Cependant, les choses ne vont pas en rester là. Depuis quelques années, l’International Animal Rescue Foundation Brazil, ainsi que plusieurs petits organismes voués à la protection de la faune suivent ce massacre.

Lorsque cinq années en arrière le gouvernement fédéral a imposé une interdiction temporaire de chasser, tout semblait s’être calmé. Malheureusement, cette interdiction fut levée, et de nombreux dauphins furent tués en août 2018. L’espèce arrivera-t-elle à se remettre de cette année d’ici la fin de cette chasse.

Depuis début août 2018, le Brésil a imposé une nouvelle interdiction totale, mais cette mesure n’a pas freiné les braconniers et les chasseurs qui poursuivent toujours leurs activités sur le fleuve Amazone et ses affluents.

Au second semestre de l’année 2014, on estime que plus de trois mille cinq cents dauphins roses ont été tués. Le fait que cette chasse soit totalement illégale met d’autant plus en colère !   

Soixante pour cent de la forêt tropicale amazonienne se situe au Brésil, qui abrite donc plus de dauphins roses que tout autre pays d’Amérique du Sud. Le boto vit dans les rivières et les lacs du bassin amazonien, et il rejoint la forêt inondée à la saison des crues.

L’Amazonie, et en particulier la forêt inondée, sont des habitats menacés. Depuis les années 1980, le taux de déforestation et d’exploitation de la forêt tropicale amazonienne a considérablement augmenté (exploitation minière et forestière, implantation d’infrastructures humaines et élevage de bétail). Ces activités commerciales constituent une grave menace pour les populations autochtones et la faune sauvage de la région.  

Dix années sont necessaires au dauphin rose pour atteindre l’âge de procréer 

« Chaque année, dans la région de la Réserve de développement durable de Mamirauá, nous voyons diminuer la population du marsouin commun de 7,5%. Ce n’est pas durable. »

Selon Vera, le facteur aggravant vient du fait que les pêcheurs préfèrent les jeunes dauphins, lesquels n’atteignent pratiquement jamais l’âge de procréer. Dix années sont nécessaires à un dauphin mâle pour atteindre l’âge de procréer, et entre six et sept années pour la femelle. La période de gestation dure entre onze et treize mois. De plus, la jeune mère nourrit ses petits pendant deux années.

Le massacre des jeunes individus a un impact énorme sur l’espèce. Même avec une interdiction, l’espèce sera entièrement décimée si le monde ne s’unit pas immédiatement pour obtenir des mesures de sauvegarde au Venezuela, au Pérou, en Colombie, en Bolivie, en Guyane, au Surinam et en Guinée française.

Le dauphin rose se nourrit principalement de piracatinga, un poisson-chat carnivore consommé par les habitants et les tribus indigènes. Toutefois, ces populations d’Amazonie ont besoin de 4500 botos pour pêcher chaque année le piracatinga.

Alors pourquoi les écologistes occidentaux ne voient-ils pas ce massacre ? En fait, cette technique de prise du piracatinga, uniquement illégale au Brésil depuis août 2014, n’est apparue qu’en l’an 2000. Et malgré le caractère absolument illégal de cette pratique, les gouvernements et les organismes chargés de faire respecter la loi font peu d’efforts pour la faire disparaitre.

Une fois les dauphins roses capturés, les pêcheurs les tuent généralement sur le champ. Sans laisser le temps aux carcasses de pourrir prématurément, elles sont ensuite disposées dans des caisses en bois permettant aux pêcheurs d’attraper le piracatinga.

Les caisses remplies de morceaux de viande de dauphin sont ensuite mises à l’eau. Les pêcheurs attendent que le piracatinga vienne se régaler des carcasses en décomposition. À ce moment là, il devient très facile pour les pêcheurs de s’emparer des poissons.

L’interdiction par le Brésil de cette pratique, effective depuis juillet 2014, a largement été relayée par certains magazines, articles et médias. Cependant, ces médias et journalistes (même scientifiques) devraient mettre les pieds dans la jungle amazonienne où cette pratique a toujours lieu depuis les années 2000.  

Les écologistes étaient ravis à l’annonce du gouvernement brésilien d’interdire cette pratique, d’autant que le pays possède la majeure partie de la forêt tropicale amazonienne. « C’est la mesure d’interdiction de pêche la plus importante depuis 1967, année de promulgation des premières lois brésiliennes sur la protection de la faune », déclare Jone César de la Friends of the Manatee Association, une association spécialisée dans la protection des lamentins, établie à Manaus, au Brésil.

Le fait que le Brésil ait interdit cette pratique ne signifie pas, par exemple, que les pêcheurs abandonneront leurs activités dans les rivières de l’Équateur ou du Pérou, qui sont également fréquentées par le boto.

En outre, en attendant l’application totale de l’interdiction brésilienne, on craint que les pêcheurs ne tuent et ne stockent des milliers de dauphins roses supplémentaires, en prévision de pêches ultérieures. Et bien sûr, les braconniers récalcitrants qui le pourront choisiront d’ignorer cette interdiction, comme cela c’est malheureusement déjà vu.

Des années ont passé et le boto semble bientôt sur le point de disparaître. Le dauphin rose de l’Amazone a été classé « en danger d’extinction » par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) dans sa dernière « Liste rouge » publiée en novembre 2018.

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