De multiples rumeurs courent sur cette baleine impressionnante. Nous avons fait le point avec Pierre Robert de Latour, spécialiste des orques libres.
L’orque recherche-t-elle la compagnie de l’homme ?
Si les hommes sont fascinés par cet animal, l’intérêt est-il réciproque ? Il semblerait que la réponse soit oui.
« D’une manière générale, l’orque est un animal qui fait preuve d’une extrême curiosité avec ce qu’il ne connaît pas. C’est donc le cas dans les endroits où elles n’ont jamais vu d’homme », explique Pierre Robert de Latour, conférencier international, spécialiste des orques libres et fondateur de USEA-Orques Sans Frontières. « A l’endroit où je plonge avec elles en Norvège, elles voient des plongeurs depuis 20 ans, donc elles ne font plus preuve de curiosité. Mais il arrive parfois qu’elles associent les plongeurs à des phases sociales ou qu’elles leur permettent d’assister à leur chasse. Les recherches tendent à prouver que l’orque a un intérêt social dans son comportement exploratoire vis-à-vis des plongeurs. »
Lorsque l’orque s’approche, elle le fera avec des trajectoires de contournement.
« Elle scanne les plongeurs qu’elle a en face car elle a besoin d’informations. Elle utilise son écholocation, c’est à dire une série de clics en direction des plongeurs, qu’on entend et qu’on ressent dans son corps. »
Des morts en captivité
Au fil des années, plusieurs soigneurs sont décédés dans des parcs aquatiques, tués par une orque. Un documentaire, Blackfish, s’était même penché sur ce phénomène. Il racontait l’histoire de Tilikum, une orque mâle du parc Seaworld en Floride, impliqué dans la mort de trois personnes.
« En captivité ces animaux n’ont plus le comportement d’une orque », affirme Pierre Robert de Latour. « La captivité engendre des problèmes psychologiques, des névroses, et exacerbe leur frustration. Du coup, ils ont des comportements violents entre eux, ce qui n’arrive pas dans la nature, et ils sont aussi agressifs avec les soigneurs, alors qu’ils ne le sont pas en liberté avec les plongeurs. Ils n’ont rien à faire en captivité, leur rôle est de réguler les écosystèmes marins en étant des superprédateurs. »
Une orque libre a-t-elle déjà tué un homme ?
La réponse est non :
« Il n’y a jamais eu, à ma connaissance, d’agression d’une orque vis-à-vis d’une personne en milieu naturel. Pour une raison que j’ignore d’ailleurs, mais c’est un fait », affirme le spécialiste.
L’orque, un animal très intelligent
Si ces baleines règnent en maîtres sur les océans, c’est qu’elles font preuve d’une grande intelligence.
« Dans la discipline que je pratique avec USEA-Orques Sans Frontières, le whale watching, on voit qu’elles mettent en place des stratégies d’évitement très élaborées où elles roulent les capitaines de bateau dans la farine ! Quand elles n’ont pas envie d’être approchées, elles vont disparaître », raconte Pierre Robert de Latour. « Puis, au bout de quelques minutes, deux grands mâles apparaissent à distance, à environ 1 km du bateau. Le débutant va se dire que tout le groupe est là-bas et va y aller. Pendant qu’on s’approche des mâles, le reste du groupe fait le trajet en sens inverse et s’éloigne. Et à peine arrive-t-on à hauteur des deux mâles qu’ils vont disparaître et rejoindre le groupe et vous ne les reverrez plus ! »
Cette intelligence est aussi évidente lorsqu’on se penche sur leurs techniques de chasse.
« Elles ont des stratégies extrêmement élaborées, qui permettent une prédation avec un très haut niveau de réussite, en évitant au maximum les risques et en limitant au maximum la dépense d’énergie. Les orques sont aussi capables d’anticiper les réactions de leurs proies. » De plus, elles sont capables de transmettre leurs connaissances à leur descendance,« ce qui est la définition de la culture ».
Un superprédateur
Si les orques sont aussi surnommées baleines tueuses, ce n’est pas pour rien. Phoques, dauphins, baleines… rien ne leur résiste. Elles ont même développé une technique pour chasser les requins blancs, les retournant sur le dos, ce qui les paralyse complètement. « Quand elles chassent le hareng en Norvège, elles utilisent une méthode appelée le « carousel feeding », relate le spécialiste.
« Les orques vont isoler une boule de poissons à la surface et tourner autour comme un manège. Elles vont ensuite taper avec leur nageoire caudale en périphérie du banc de harengs pour les assommer, et les manger. En Antarctique, certaines populations chassent le phoque crabier, un animal qui a l’habitude de se reposer sur de petits morceaux de glace qui flottent à la surface. Les orques vont faire une vague pour faire tomber le phoque à l’eau. Dans d’autres endroits, elles vont s’échouer volontairement pour attraper phoques et lions de mer. »
Tout ceci fait que l’orque est un des plus grands prédateurs de tous les temps. Avec la fonte des glaces, elle peut même s’aventurer plus au nord, étendant encore un peu plus son territoire.
Source : Geo.fr – Publié le 25.10.2019
Photo de une : Pixabay