Une équipe internationale de chercheurs a évalué la vulnérabilité des mammifères marins face au changement climatique. Les espèces présentes dans trois régions sont particulièrement touchées.
Dans ce puzzle qu’est la biodiversité mondiale, les mammifères marins jouent un rôle irremplaçable. Malheureusement, avec les activités anthropiques, ils payent et payeront dans les années à venir un lourd tribut. Une étude menée par une équipe de chercheurs français, portugais, suisses – et comprenant la journaliste et vidéaste Valentine Delattre travaillant pour Sciences et Avenir et anciennement chercheuse à l’Université de Montpellier –, révèle que plusieurs espèces sont particulièrement vulnérables face au réchauffement climatique.
Des menaces directes mais également indirectes
Le réchauffement climatique affecte les mammifères marins de plusieurs façons, directes et même indirectes. ‘Par exemple, un effet direct de l’augmentation de la température des océans est un déplacement des populations vers des zones où les températures seront plus favorables dans le futur, d’autant plus pour les espèces ne pouvant supporter que de faibles amplitudes thermiques, explique à Sciences et Avenir Fabien Leprieur, chercheur au sein de l’unité de recherche MARBEC (MARine Biodiversity, Exploitation and Conservation). L’augmentation des températures des océans pourrait également affecter le succès de reproduction des mammifères marins’.
Le réchauffement climatique diminue aussi l’abondance de proies – notamment de krill – pour les baleines. En outre, la hausse des températures dans les océans affecte le niveau de la mer, l’étendue de la glace et la salinité, ‘ce qui peut par exemple entraîner une perte d’habitats pour les espèces dépendant fortement de la couverture de glaciers pour se reproduire et se nourrir’, poursuit le biologiste, co-auteur de l’étude dont les résultats ont été publiés le 17 janvier 2020 dans la revue Scientific Reports.
Deux scénarios établis : l’un optimiste, l’autre pessimiste
Dans celle-ci, les chercheurs expliquent avoir évalué la vulnérabilité des mammifères marins face au réchauffement alors que 37% d’entre eux sont actuellement considérés comme menacés, selon l’Union internationale pour la conservation de la nature. ‘Bien que les extinctions dues au changement climatique soient encore rares, elles pourraient dépasser celles causées par la perte d’habitat ou la surexploitation au cours des prochaines décennies’, supputent les auteurs de l’étude. Pour leur classement, ces derniers ont créé un ‘indice de vulnérabilité’ au changement climatique.
Pour cela, ils ont combiné deux ‘sous-indices’ : un de sensibilité et un d’exposition au changement climatique futur. Le premier prend en compte les caractéristiques, notamment biologiques, de l’espèce afin de connaître ‘l’amplitude potentielle du déclin’ de ses populations soumises à un changement, ici climatique. Le second ‘repose sur les prédictions de changements de températures des eaux de surface’, explique Fabien Leprieur. ‘Deux scénarios d’émission de gaz à effet de serre pour la période 2039-2059 et la période 2079-2099 ont été considéré : un scénario de faible émission de gaz effet de serre associé à une augmentation simulée de la température de la surface atmosphérique mondiale d’environ 1,0 ± 0,4 ° C, et un scénario de forte émission de gaz à effet de serre associé à une augmentation simulée de la température de la surface atmosphérique mondiale d’environ 3.7 ± 0.7 °C’, poursuit-il.
Les baleines franches du Pacifique Nord déjà en danger
Résultats : trois régions mondiales particulièrement fragiles abritent les espèces marines les plus sensibles au changement climatique. Il s’agit du nord de l’Océan Pacifique, de la mer du Groenland et de la mer de Barents. La baleine franche du Pacifique Nord (Eubalaena japonica) et la baleine grise (Eschrichtius robustus) sont les deux espèces les plus vulnérables sur la période 2079-2099, quel que soit le scénario analysé.
Selon l’UICN, la baleine grise a pour le moment une population stable mais la baleine franche du Pacifique Nord est déjà en danger d’extinction. ‘Sa population globale ne dépasse pas 300 individus’, se désole le chercheur. Si le scénario le plus pessimiste se réalise, le dugong (Dugong dugon) aussi sera alors particulièrement vulnérable. Actuellement, sa population décroît déjà. ‘Ces trois espèces ont un rôle unique dans le fonctionnement des écosystèmes marins et leur disparition aurait donc un impact potentiellement important sur le fonctionnement futur des océans’, met en garde Fabien Leprieur. Identifier les espèces les plus menacées par le changement climatique peut permettre par exemple de prioriser les efforts de conservation.
Source : sciencesetavenir.fr, le 17.01.2020
Photo : Kimon Berlin ~ commons.wikimedia.org