L’annonce par le zoo du Bronx qu’une de ses tigresses a contracté le Covid-19 sonne comme un rappel : les animaux en captivité sont aussi des vecteurs de maladie pour l’homme. Les études le montrent : sans changement des pratiques, les fauves des zoos et les cétacés des parcs aquatiques pourraient déclencher une pandémie à l’avenir.
Elle s’appelle Nadia, elle a 4 ans et elle vit dans le zoo du Bronx, dans la ville New York. Cette tigresse qui souffrait de toux sèche comme quatre autres fauves du parc a été testée positive au nouveau coronavirus par le laboratoire vétérinaire attitré, a-t-on appris ce 5 avril. Par chance, aucun autre félin n’est atteint : Nadia a probablement été infectée par un de ses soigneurs, car les animaux ne reçoivent plus de visites du public depuis trois semaines.
Cette histoire de contamination insolite aurait pu commencer dans l’autre sens, avec un animal de zoo en début de chaîne. Comme le Covid-19, le sida ou Ebola, les maladies émergentes sont majoritairement des zoonoses, fruit d’une transmission de l’animal à l’homme. Si leur apparition interroge notre rapport au monde sauvage – notamment concernant la destruction des habitats et le trafic d’animaux – elle soulève aussi la question des dangers zoonotiques dans le milieu des animaux en captivité.
L’alerte lancée par la cétologue néo-zélandaise Ingrid Visser, en témoigne. Elle vient d’interpeller les autorités françaises, chinoises et américaines sur le rôle de vecteurs que peuvent jouer les orques, bélugas et dauphins captifs.
Les cétacés des parcs aquatiques représentent un danger bien réel
Sur les marchés d’animaux sauvages de Wuhan, où la pandémie de Covid-19 est née, les conditions de stress et d’immunodépression ont été identifiées comme un facteur clé dans l’émergence de nouveaux virus. « Les orques des parcs aquatiques sont dans le même état », regrette la scientifique. Une forme jusqu’alors inconnue de coronavirus a ainsi causé la mort d’un béluga en captivité aux Etats-Unis tandis qu’une autre a été trouvée dans les selles de trois dauphins du parc de Hong-Kong.
Dans les parcs aquatiques, le risque de transmission tient à la proximité des mammifères avec le public. « Ils arrosent les spectateurs avec l’eau dans laquelle ils font leurs besoins. Notons que les orques expirent aussi fortement lors des exercices, leur souffle contient une variété d’agents pathogènes » relate la chercheuse dans une lettre rédigée avec un consortium de scientifiques et de vétérinaires et adressée aux ambassadeurs français, américains et chinois présents en Chine.
Les éléphants malades de tuberculose
L’alerte trouve écho à terre. Bien que dans les zoos, les transmissions se limitent au personnel soignant, c’est un phénomène répandu : aux Etats-Unis, des zoonoses ont été détectées chez ces personnes dans 30 % des parcs zoologiques. En Asie, la barrière entre les hommes et les éléphants captifs est devenue si poreuse qu’elle génère un risque de pandémie de tuberculose. « La maladie a toujours existé chez les éléphants, précise l’ethnologue Nicolas Lainé. Mais elle ré-émerge depuis 1996 du fait de cas de transmissions humaines. Cette ‘’zoonose inversée’’ résulte de l’augmentation des contacts humains, à travers l’essor de l’exploitation forestière et du tourisme dans les camps de conservation ».
D’autres cas de « tuberculose inversée » chez les éléphants ont été relatés aux Etats-Unis et en Europe. Le dépistage de la maladie étant difficile, en France, cette maladie reste une préoccupation majeure dans la gestion sanitaire de l’ensemble des parcs zoologiques.
Une précision s’impose néanmoins au sujet du Covid-19 : si les félins peuvent l’attraper, une contamination à l’homme par les chats domestiques n’est absolument pas prouvée, comme l’a récemment rappelé l’Académie de médecine. Qui appelle, par précaution, à renforcer les mesures d’hygiène envers les animaux de compagnie.
Source : science-et-vie.com, le 06.04.2020
Photo : S. Taheri ~ fr.wikipedia.org