Alors que les sons de la baleine à bosse, de la baleine bleue ou même de l’orque sont bien connus, ceux du narval n’ont pas été étudiés. Cependant, il devient urgent de mieux comprendre comment ces cétacés communiquent pour déterminer comment le réchauffement climatique affecte leurs comportements.

Les narvals sont reconnus comme l’une des espèces arctiques les plus vulnérables au changement climatique en raison de leur niche écologique étroite. Cétacé endémique des eaux arctiques, autour du Goenland et du Canada, il est directement affecté par la fonte des glaciers aux côtés desquels il se reproduit et se nourrit. La grande sensibilité du narval au changement climatique a inquiété des chercheurs japonais pour qui il est essentiel de poursuivre les efforts de documentation du comportement des narvals afin d’identifier quels autres impacts anthropiques ils ont à affronter. L’une des épreuves auxquelles l’action humaine soumet les milieux marins est l’omniprésence de bruit, des nuisances sonores dont l’ampleur ne peut être mesurée qu’en connaissance de leur comportement sonore de base. C’est donc dans un effort de détection de la diversité et de la fréquence des vocalisations des narvals que les scientifiques de l’Université d’Hokkaido (Japon) ont mené l’étude qui est parue dans le Journal of Geophysical Research: Oceans.

Le narval, un animal difficile à étudier

Le narval (Monodon monoceros) est une baleine de petite taille, comparativement avec ses cousines bleues ou à bosse, car il mesure tout de même de 4 à 5 mètres de long à l’âge adulte et peut peser jusqu’à 1,5 tonne. C’est un cétacé arctique endémique, qui se trouve notamment dans les eaux gelées du large du Groenland et du Canada. La célébrité du narval est à attribuer à sa « défense » asymétrique en spirale de trois mètres de long, qui est en réalité une dent, à travers sa lèvre supérieure. Malgré les plusieurs centaines d’années pendant lesquels ils ont été chassés, par les Inuits et les Européens, ils restent très peu étudiés. En effet, les narvals sont des animaux difficiles à approcher avec des bateaux motorisés, en particulier les grands véhicules de recherche. De plus, les glaciers autour desquels ils vivent rendent le milieu dangereux et difficile d’accès aux bateaux, même de petite taille.

Pour contourner le problème, les chercheurs ont suspendu deux hydrophones (des microphones aquatiques) à une corde qu’ils ont plongée dans l’eau à partir d’un petit bateau motorisé. L’un atteignait 6,6 m de profondeur et l’autre 11 mètres. L’installation comportait des écouteurs pour écouter en temps réel directement depuis le bateau et servait principalement de moniteur. Les données ont été recueillies pendant plusieurs jours dans la seconde moitié de juillet 2019, après la disparition complète de la glace de mer, bien que d’abondants icebergs et de plus petits morceaux de glace aient encore été présents.

Des clics et des sifflements pour communiquer

Au total, environ 17,3 heures de sons émis par des narvals ont été recueillis. En les analysant, les chercheurs en ont identifié plusieurs types. D’abord, les bruits de clic sont les plus courants, et se divisent eux-mêmes en deux catégories : les “trains de clics” (ou clics d’écho), des séquences de 7 à 10 clics par seconde ; et les rafales de clics (ou buzz), dont les séquences pouvaient atteindre 330 clics par seconde. Les clics sont utilisés par les narvals pour localiser leurs proies selon un principe d’écholocalisation identique à celui dont se servent les chauves-souris, les dauphins, certaines baleines et d’autres animaux.

Plus la distance entre le narval et la proie diminue, plus les clics se rapprochent. D’un “train de clics” plutôt lent et espacé, le cétacé produit un buzz rapide et quasi-continue lorsqu’il se situe juste à côté de son repas.

« Si vous approchez et ciblez ces poissons rapides, vous savez mieux où ils se trouvent ; vous devez recueillir ces informations plus fréquemment », explique dans un communiqué Evgeny Podolskiy, géophysicien à l’université d’Hokkaido et auteur principal de l’étude.

Ensuite, les sifflements sont émis beaucoup plus rarement. Ce sont des sons purs, monotones et continus qui durent moins d’une seconde en général et dont la fonction est de permettre aux narvals de communiquer socialement. Enfin, le son enregistré le moins fréquemment, appelé “train de clics réverbérants”, est un mélange de clics et de sifflements.

Loin d’être les seuls à peupler le paysage sonore des eaux arctiques du Groenland, les narvals nagent accompagnés de divers sons provenant de leur environnement. De nombreux phénomènes transitoires et continus sont connus pour remplir les océans polaires d’une cacophonie de sons. Par exemple, les sons produits par les icebergs constituent une source de bruit importante à l’échelle de l’océan et, localement, les glaciers sont connus comme étant les sources les plus bruyantes des océans en raison de l’éclatement continu des bulles d’air provenant de la fonte des glaces.

« Il y a tellement de fissures dues à la fracture de la glace et aux bulles qui fondent… c’est comme une boisson gazeuse sous l’eau », illustre Evgeny Podolskiy. « Il semble que nous ayons affaire à des animaux vivant dans un des environnements les plus bruyants du globe mais qui n’a pas beaucoup de problèmes avec cela », ajoute-t-il.

Source : Sciences et avenir – Publié le 31.05.2020
Vidéo de une : Youtube

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