Pourquoi un rorqual de 8 mètres s’est échoué en baie de Somme ce 27 septembre ? Pour répondre à la question, le Réseau national échouages analyse ce 1er octobre la carcasse selon un processus très précis, comme nous le détaille Fabien Demaret, qui coordonne l’opération pour l’observatoire Pelagis.
Le naufrage d’un rorqual au large du Crotoy (Somme), ce 27 septembre, interroge. Comment un cétacé de huit mètres de long a pu s’échouer sans vie si près des côtes ? Afin de déterminer la cause du décès du gigantesque mammifère, des scientifiques et bénévoles vont procéder à une analyse complète de sa carcasse ce 1er octobre.
Pour ce genre d’événement peu commun – le naufrage d’un animal si massif et dans une réserve naturelle nationale comme la baie de Somme – un protocole bien précis existe. Une fois le cadavre découvert, le Réseau national échouages (RNE) est mobilisé, avec la coordination de l’observatoire Pelagis, basé à La Rochelle. Observateur dans ce laboratoire, Fabien Demaret a accepté de répondre à nos questions sur l’opération.
- Qu’entendez-vous par « analyser » le rorqual ?
Fabien Demaret : Les observateurs dépêchés sur place scrutent tout d’abord l’aspect extérieur de l’animal, s’il a des blessures ou si sa peau comporte des marques de choc par exemple.
Puis on ouvre la carcasse et on prélève du foie, de la rate, du gras. On réalise des prélèvements que l’on fait ensuite analyser, notamment sur les polluants et son comportement alimentaire. Nous agissons tout le temps en lien avec les préfectures, souvent dans un périmètre sécurisé par la police pour travailler en sérénité.
Ces opérations peuvent être réalisées par nous-même, ou alors par tout membre du Réseau national échouages. Dans le cas du rorqual de la baie de Somme, ce sont Picardie nature, les gardes de la réserve naturelle et un vétérinaire de l’Université de Liège (Belgique) qui vont agir.
- Qu’est ce que le Réseau national échouages et comment fonctionne-t-il ?
Fabien Demaret : C’est un réseau qui se mobilise lorsqu’est signalé un échouage de cétacés ou de pinnipèdes [ordres auxquels appartiennent respectivement les baleines et les phoques, NDLR] n’importe où sur le littoral français, métropolitain comme dans les départements et territoires d’outre-mer.
Il est composé de scientifiques, dont les analyses biologiques font partie du métier, mais aussi d’organisations locales que nous formons, comme Picardie nature. Des personnes lambda peuvent rejoindre ce réseau s’ils souhaitent s’investir dans l’analyse des mammifères marins. Nous leur proposons des parrainages, c’est-à-dire de suivre les membres du réseaux sur un échouage, de réaliser des prélèvements. Nous sommes mandatés par le ministère de la Transition écologique et solidaire pour les former pendant trois jours.
Nous essayons de faire le plus souvent appel à des professionnels, car ces opérations représentent un investissement considérable en termes de déplacements, de temps ou de matériel.
- Ces opérations sont-elles fréquentes pour vous ?
Fabien Demaret : Cela varie en fonction des années. Il y en a certaines plutôt calmes, d’autres où on va intervenir jusqu’à dix fois dans l’année. Cette opération en baie de Somme est néanmoins peu fréquente en terme de matériel. Vu l’envergure de l’animal, nous avons besoin d’une pelleteuse, d’un chargeur et d’une benne d’équarrissage. Nous sommes dans une zone de pêche qui permet apparemment le passage de tracteurs, donc le terrain paraît plutôt accessible.
- À quoi servent ces analyses ?
Fabien Demaret : Elles servent tout d’abord à déterminer si le décès de l’animal est dû à une cause naturelle ou accidentelle. À première vue, en regardant les photos, il s’agit d’un jeune individu plutôt maigre. Les rorquals peuvent atteindre les 20, 22 mètres et peser dans les 40 tonnes. Celui-ci, j’estime qu’il doit peser dans les 3 tonnes. Par sa maigreur, on peut penser que son décès est de l’ordre pathologique.
À terme, ces relevés nous permettent d’avoir des données qui rendent compte de l’état écologique du littoral français. On obtient des informations sur des espèces qui ne sont pas si fréquentes que ça en échouage, sur ce qu’ils mangent, comment ils évoluent.
Source : France Info – Publié le 30.09.2020
Photo de une : Wikimedia
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