C’est devenu presque inévitable dans des courses à la voile comme le Vendée Globe : un choc avec un Ofni, un objet flottant non identifié. Mais dans bien des cas, l’Ofni est en réalité… un cétacé. Une collision qui peut gravement blesser l’animal, voire le tuer. Un sujet qui reste tabou chez les marins.

Dimanche dernier, le navigateur espagnol Didac Costa révélait avoir subi un choc avec un Ofni, un objet flottant non identifié… mais un Ofni bien vivant.

« Vers 15h30 cet après-midi, One Planet One Ocean a eu une collision avec une baleine. Ni le navire ni le skipper n’ont subi de dommages », expliquait le marin.

Quelques heures plus tard, devant des commentaires outrés sur les réseaux sociaux de défenseurs des animaux, il donnait des nouvelles du cétacé.

« Vous êtes nombreux à vous soucier de la santé de la baleine. Selon Dídac, il n’y avait pas de sang dans l’eau et il l’a vue nager et respirer normalement alors qu’elle s’éloignait. Nous espérons qu’elle va bien et qu’elle se remettra bientôt du choc. »  

« Il ne faut pas fermer les yeux »  

Cette sincérité du skipper est plutôt rare. Avant le départ de ce tour du monde en solitaire, Fabrice Amedeo, l’un des concurrents sur son monocoque « Newrest – Art & Fenêtres », évoquait une « vraie omerta sur le sujet ». Beaucoup de skippers préfèrent parler d’un choc avec un Ofni, terme suffisamment vague, plutôt qu’une collision avec une baleine ou un cachalot, un choc parfois mortel pour ces animaux. Ce n’est pas terrible en matière d’image.

« Nous ne voulons pas passer pour des tueurs de baleines », poursuit Fabrice Amedeo.

Il faut savoir que les baleines sont hémophiles : la moindre coupure peut entraîner leur décès.

« Je pense qu’il ne faut pas fermer les yeux », assume pourtant Jacques Caraes, le directeur de course. « Ce n’est pas parce qu’on dit Ofni qu’il faut se cacher la face. Il y a des choses qui traînent dans l’eau et il y a aussi un milieu animalier qui est chez lui. On le surprend parce qu’on passe de plus en plus vite avec des bateaux de plus en plus rapides, et une fois tous les quatre ans. »    

89 espèces de cétacés

Impossible, sur un tour du monde, d’éviter les zones de migrations des mammifères marins. Pour diminuer le risque, il existe différentes technologies comme le pinger baptisé Whale Shield, un bouclier contre les baleines.

« C’est un système d’ultra-sons qu’on installe au bout de la quille », détaille Fabrice Amedeo, l’un des premiers à l’avoir installé sur son monocoque. « Il émet un signal qui est supposé faire peur aux cétacés et les écarter de notre route. »

Fabrice Amedeo a travaillé avec un bio-acousticien, spécialiste des émissions sonores des cétacés : « C’est un problème qui est compliqué parce qu’il y a 89 espèces de cétacés », détaille Olivier Adam, professeur à la Sorbonne.

« Elles ont toutes un comportement différent. Certaines ont des interactions positives et donc elles viennent au bateau. D’autres ont peur et s’éloignent du bateau. Il faut faire quelque chose au cas par cas. »

C’est un sujet qu’il faut traiter sérieusement, plaide Jacques Caraes.

« Depuis quelques temps, on essaye de prendre contact avec des spécialistes de la migration des cétacés. Dans un avenir proche, on sera peut-être obligé d’intégrer à nos équipes des personnes comme ça. Elles pourraient nous dire : ‘Attention, là il y a tel bateau qui risque d’être dans une zone de migration’. »   

Car percuter un animal marin est un dommage pour l’environnement. C’est aussi un danger pour le skipper et son bateau. Il y a quatre ans, lors du précédent Vendée Globe, Kito de Pavant avait croisé la route d’un cachalot. Résultat : la quille de son bateau avait été arrachée et le skipper héraultais avait dû être évacué par un bâtiment de la Marine nationale.

Source : France Inter – Publié le 09.12.2020
Photo de une : Wikimedia

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