Les études se multiplient pour étudier les effets du plastique sur l’environnement, qui finit en masse dans les océans. La Fondation Ellen Mac Arthur a lancé l’alerte en premier, en 2016. À l’époque, 72 % des emballages plastiques finissaient dans les écosystèmes marins. 5 ans plus tard, rien n’a changé. 17 tonnes de plastique continuent d’y être déversées chaque minute. Les océans en contiennent 150 millions de tonnes. Si rien ne change, ce chiffre devrait grimper à 750 millions.

Le plastique est partout

80 % des déchets qui finissent dans l’océan sont produits sur terre. D’abord, les “macroplastiques” qui proviennent des bouteilles d’eau et des sacs d’épicerie. Ensuite, les “microplastiques” ; des particules microscopiques fabriquées telles qu’elles, ou nées de la décomposition de morceaux plus grands (jouets, emballages, biberons, masques chirurgicaux…). Et tandis que certains se focalisent sur les “continents de plastique” bien visibles, des chercheurs alertent sur le fait que les microplastiques constituent 92 % des débris plastiques à la surface des océans. 14 millions de tonnes de ces particules tapissent aussi les fonds marins.

Pour la vie marine, cette pollution est une catastrophe. Proche de l’écocide. 800 espèces sont touchées. Des poissons aux tortues, jusqu’aux fruits de mer. Le WWF précise que le plastique est responsable chaque année de “la mort de 100 000 mammifères marins”. Les  microplastiques, de leur côté, accumulent des polluants et des toxines, qui se retrouvent ensuite dans les organismes des poissons et des crustacés.

Ajoutez à cela une surpêche excessive, et vous obtenez une baisse problématique de la biodiversité. Qui risque, estiment des chercheurs, de “compromettre la capacité des océans à se régénérer, si bien que les fruits de mer et certains poissons pourraient disparaître.” Pendant ce temps, la demande mondiale de poisson continue d’augmenter : 3 milliards d’être humains en dépendent pour leur régime alimentaire quotidien. Et l’ONU estime que si nous continuons ainsi, les océans seront quasiment… vides, en 2050.

Des lois encore trop timides ?

Plus de 220 millions de tonnes de plastique sont produites chaque année. Et si rien ne change, l’industrie du plastique pourrait être responsable du doublement de la pollution plastique des océans. “À cause des défaillances de la filière plastique, il est moins coûteux de rejeter du plastique dans la nature que de le gérer efficacement jusqu’à la fin de sa vie. Sans changement systémique dans le cycle de vie du plastique, cette pollution risque de devenir incontrôlable”, alerte le Fonds mondial pour la nature.

Suite à une “prise de conscience générale”, observe l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques), des lois internationales et étatiques se multiplient depuis 2015. L’Europe a mis en place un plan d’action en faveur de l’économie circulaire, puis une stratégie sur les matières plastiques. Ces textes favorisent la réutilisation, le recyclage et la promotion de “matériaux plus durables”. Une directive a aussi accéléré la dynamique, en interdisant les plastiques à usages uniques, à partir de juillet 2021.

Lois pour la “croissance verte”, ou relatives à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire : depuis 2010, la France a aussi pris une série de mesures visant à “favoriser la valorisation des déchets plastiques et leur réemploi”. Dans le cadre d’une stratégie d’économie circulaire, elle espère réduire “significativement le nombre d’emballages à usage unique” d’ici 2025. Mais pour l’OPECST, ces politiques restent “trop timides”. Dans une étude commandée par le Groupe d’experts de haut niveau pour une économie durable de l’océan (l’Ocean Panel), des chercheurs de SystemiQ observent en outre que “répondre au défi de la pollution océanique est compliqué par l’asymétrie écrasante de la situation : quand des intérêts privés fonciers fortement protégés entrent en conflit avec l’intérêt d’une ressource commune faiblement défendue comme l’océan, ce dernier perd.”

Vers une économie circulaire des plastiques ?

Dans une étude intitulée “Briser la vague plastique”, SystemiQ et The Pew Charitable Trusts émettent des recommandations pour diminuer pour de bon la pollution plastique : arrêter de construire des usines de fabrication de plastique, développer des “alternatives sans plastique” (papier, matériaux compostables), concevoir les produits et emballages dans l’optique de leur recyclage, augmenter le taux de collecte des déchets en améliorant les technologies de recyclage, interrompre les exportations de plastique vers les pays ayant “des systèmes de collecte des déchets médiocres”, et développer “des méthodes pour  transformer le plastique usagé en nouveau plastique”, ainsi que “de nouvelles façons d’utiliser ces produits”.

Mais la mise en place d’une véritable “économie circulaire des plastiques”, nécessitera, indiquent les chercheurs, de faire en sorte que le plastique recyclé coûte moins cher que celui nouvellement produit. Notamment via des “politiques qui créent des incitations pour des modèles commerciaux plus durables”. Plus que des réglementations visant les plastiques à usage unique, l’idée est donc d’agir directement sur la production de plastique et sur les technologies de recyclage “déjà existantes”, via la R&D. Si un changement total du système se produisait”, et si “les gouvernements et les entreprises étaient assez courageux pour améliorer les systèmes de collecte des déchets et investir dans la création de matières plastiques plus faciles à recycler”, les déchets plastiques pourraient être réduits de 80 % d’ici 2040. À noter que de telles mesures permettraient aussi aux gouvernements “d’économiser 70 milliards de dollars d’ici 2040”, et de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre annuelles liées aux plastiques de 25 %.

“Changement systémique” et low tech

Enfin, de telles mesures seraient accompagnées d’actions plus terre à terre, de dépollution des océans. Depuis 2020, le ministère de l’écologie mène par exemple un programme d’actions “zéro plastique en mer d’ici 2025”, avec l’ADEME. Au programme, notamment : la prévention des pollutions plastiques à terre, la lutte contre les déchets dans les cours d’eau et la sensibilisation des citoyens. Mieux éduquer ces derniers permettrait en effet de réduire les déchets sauvages.

De son côté, l’OPECST prévient que rien ne changera “si, dans le même temps, la croissance de la consommation de plastiques n’est pas réduite.” Par ailleurs, l’organisme constate que l’amélioration de la gestion des déchets n’aurait “pas d’influence sur l’une des sources de la pollution plastique : la fuite des microplastiques dans l’environnement au cours de leur utilisation”. Car 80 % de cette pollution provient des textiles, des pneus et de la poussière des villes. Dès lors, pourquoi ne pas aller plus loin, vers les low-tech ? Comme l’explique l’ingénieur Philippe Bihouix, l’idée serait de “rechercher des technologies plus appropriées, et de fabriquer des objets plus robustes, mais aussi réparables, constitués de matériaux simples et recyclables.” Plutôt que de simplement tendre vers l’économie circulaire, il s’agirait de fabriquer des “biens durables”. Et donc écologiques.

Source: CNET – Publié le 22.04.2021
Image de Une: Pixabay

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