Plusieurs pays, Chine et Russie en tête, ont   empêché la création de zones de protections dans l’océan austral,   mettant en péril les stocks de minicrevettes essentielles à   l’écosystème. 
Par LAURE NOUALHAT
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La faune de l’océan antarctique peut trembler   : elle vient de passer à travers les mailles du filet de la   préservation. La Convention sur la conservation de la faune et la flore   marines de l’Antarctique (CCFFMA), réunie à Hobart, en Australie,   jusqu’à mercredi, a manqué une occasion de placer l’océan Austral à   l’abri des appétits. Réunis durant deux semaines, les membres de la Convention – 24 Etats   et l’Union européenne – devaient examiner des projets de création   d’aires marines protégées. Trois textes étaient en lice : une   proposition conjointe de la France, de l’UE et de l’Australie visant à   créer sept aires, dont une en face de la Terre Adélie, et deux autres en   direction des Kerguelen et Crozet ; une proposition britannique   concernant la péninsule antarctique ; un texte de la Nouvelle-Zélande et   des Etats-Unis pour la mer de Ross. 
  
Convoitises.Toutes ces propositions visaient à protéger entre 1,9 et 3,6 millions de kilomètres carrés d’eaux australes. «Il ne s’agit pas d’y interdire la pêche,prévient Gerry Leape, de l’ONG Pew Environment, mais de l’encadrer.» Las, les Etats présents à Hobart n’ont rien signé. Pire, des pays –   la Russie, la Chine et l’Ukraine, pour ne citer qu’eux – ont activement   empêché tout consensus. Pour les ONG de l’Alliance de l’océan   Antarctique, c’est un échec. «On pensait que les membres de la   Convention allaient prendre des mesures fortes, ils ont simplement   décidé de ne rien décider et de se revoir en juin, en Allemagne», raconte Leape. «Cette   année, la Convention s’est comportée comme une organisation de pêche et   non comme une organisation dédiée à la conservation des eaux de   l’Antarctique»,déplore Farah Obaidullah, de Greenpeace. Pourtant,   aucun texte ne vise l’interdiction totale de la pêche. Malgré ce raté,   la plupart des membres de la CCFFMA veulent créer des aires marines   protégées. «Reste à savoir si des pays comme la Chine, la Russie ou   l’Ukraine, qui ont empêché les décisions par consensus, laisseront faire   en juin, en Allemagne», s’inquiète Farah Obaidullah. L’océan Antarctique suscite bien des convoitises. Parce qu’il est   difficile d’accès, et parce que ses eaux sont relativement épargnées par   la pollution et le transport maritime, il regorge de ressources : des   stocks conséquents de poissons (notamment les légines australes), de   baleines, de phoques, mais aussi de krill, que certains considèrent   comme l’espèce la plus importante en termes de biomasse. Les estimations   de stocks varient du simple au quintuple : entre 125 et 725 millions de   tonnes par an, selon le rapport de la FAO paru en 1997. En comparaison,   les productions de poissons et de fruits de mer culminent à   100 millions de tonnes par an. Nourriture principale des baleines, le krill est essentiel dans l’écosystème antarctique. Riche en protéines et en vitamines, Euphausia superbafait aussi le régal de l’industrie agroalimentaire, comme complément   nutritionnel, mais aussi des saumons d’élevage et de l’industrie   cosmétique. «Sa couleur rosée et le fait qu’il soit exempt de polluants sont très appréciés dans les élevages de saumon»,explique Leape. Pingouins.La concentration et l’abondance du krill   dans les eaux australes ont d’abord intéressé la Russie dans les   années 70, puis la Corée du Sud, la Norvège, le Japon, l’Ukraine et la   Pologne. En 1991, la CCFFMA a établi une limite de pêche à 1,5 million   de tonnes par an dans la zone 48 de l’Atlantique Sud, un chiffre jamais   atteint à cause des difficultés techniques inhérentes à cette pêche   (filets fragiles, ressource délicate…). Les prises actuelles culminent à   230 000 tonnes. «Le problème, c’est que 90% de ces prises sont   concentrées sur de petites zones et que cela réduit la disponibilité de   la ressource pour d’autres prédateurs comme les baleines ou les   pingouins»,explique Gerry Leape. Entre les hommes et les pingouins, la Convention a tranché. 
Source : liberation.fr   (02.11.12) 
Source photo :                           wikimedia.org   Actualité récente en rapport : La protection des mers autour de l’Antarctique pourrait être renforcée…       
