Dauphins ambassadeurs d’hier

Voici la présentation et les caractéristiques des « Ambassadeurs d’hier » qui ont évolué sur les côtes françaises…

•  JEAN-LOUIS * (Tursiops, femelle, âge au moment des premières interactions : 10/15 ans, Bretagne – France, 1976) :

* Le prénom de cette dauphine vient du fait qu’en premier lieu, les pêcheurs l’avaient prise pour un requin (appelé localement un « Jean-Louis »). Jean-Louis avait élu domicile près d’un rocher (d’ailleurs baptisé le Rocher du Dauphin) au niveau de la Baie des Trépassés en Bretagne.

 

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Elle a été aperçue pour la première fois alors qu’elle tirait sur la corde d’un casier qu’un pêcheur tentait de remonter !

Lors de son séjour en Bretagne, elle est devenue l’amie de tous : plongeurs, habitants, pêcheurs… Allant même déposer des crabes dans les paniers de ces derniers ! Amitié qui lui valait la protection de ceux qui la côtoyaient : trois inconnus ayant cherché à la chasser avec un harpon ont été sommés de quitter les lieux.

Devenue une vedette internationale, elle a reçu la visite de bon nombre de spécialistes : François-Xavier Pelletier*, Horace Dobbs etc…

* François-Xavier Pelletier est Ethnologue et Cinéaste. Il a écrit, entre autre, « Les hommes qui cueillent la vie » suite à son séjour en compagnie des Imragen (peuple de Mauritanie qui déclare collaborer avec les dauphins lors des activités de pêche).

Voici d’ailleurs une anecdote amusante survenue lors de la venue de Horace Dobbs. Cette visite avait pour but le tournage d’un film : « A closer encounter » :

Ce dernier souhaitait faire participer la dauphine à une série d’expériences (jeux, musique etc…). Jean-Louis semblait en avoir décidé autrement et n’était pas du tout réceptive à ce que l’équipe de tournage lui proposait. Elle a choisi d’imposer ses propres règles et a entraîné tout ce petit monde dans de longues parties de cache-cache ! Elle a si bien mené sa danse pour agir selon ses désirs, qu’au générique du film elle a été citée comme réalisateur !

A ce propos, Horace Dobbs a fait une remarque intéressante, selon laquelle Jean-Louis était plus « féminine » que Donald (autre dauphin ambassadeur) dans sa manière d’obtenir ce qu’elle voulait. Elle réussissait à parvenir à ses fins de manière beaucoup plus subtile que lui. Il a précisé, toutefois, qu’elle ne s’était pas mêlée au jeu de l’aquaplane !!! La dauphine semblait affectionner certains sons et, pour l’appeler, il suffisait de frotter un objet métallique contre une chaîne d’ancre.

Elle semblait également éprouver un certain plaisir à se frotter contre les cordages. Dans un premier temps, elle appréciait la compagnie des hommes, qu’elle accueillait avec beaucoup de douceur dans son univers, particulièrement les femmes et les enfants – cependant elle n’attirait près de son rocher que les personnes de son choix et n’acceptait pas les offrandes de poisson – puis elle a montré moins d’intérêt à la compagnie humaine, allant jusqu’à l’éviter…

Jean-Louis est partie en 1988 pour des raisons inconnues…

•  FANNY (Tursiops, femelle, âge au moment des premières interactions : 5/10 ans, Golfe de Fos-Sur-Mer – France, printemps 1987) et  MARINE (Tursiops, femelle, âge au moment des premières interactions : mature, Golfe de Fos-Sur-Mer – France, septembre 1988) :

Même si Fanny approchait les baigneurs, sans toutefois accepter le contact physique, et accompagnait les bateaux, elle réservait une partie de son temps à interagir de manière régulière avec un chien.

En juillet 1988, Franck Charreire et quelques passionnés ont mis en place l’Observatoire de Fanny, lequel avait trois fonctions :

•  Surveiller et protéger Fanny,

•  Accueillir, informer et sensibiliser le public,

•  Effectuer des observations scientifiques.

En 1988, une autre dauphine, Marine, a rejoint Fanny, toutes deux sont devenues inséparables.

D’après les observateurs, Marine attendait un heureux événement et sa compagne semblait la protéger : Fanny se mettait toujours entre les nageurs et plongeurs et Marine, dans une position, semble-t-il, de protection. Les dauphines enceintes sont, en effet, très sensibles au stress.

Source : « Les dauphins, ambassadeurs des mers » de Henry Augier.

Un jour où Fanny a été retrouvée blessée après une longue absence, Marine, quant à elle, n’a plus laissé apparaître aucun signe de grossesse… Les deux dauphines se sont ensuite montrées plus craintives vis-à-vis de l’homme.

Marine a disparu en mai 1989. Fanny s’est ensuite installée au Port de Fos-Sur-Mer, lieu rendu relativement tranquille pour la dauphine suite à différentes interdictions et restrictions de baignade, plongée et activités de navigation.

Malheureusement, faute de moyens, l’Observatoire de Fanny, a fermé en septembre 1989…

En 1991, la dauphine s’est finalement installée à Port-Saint-Louis-du-Rhône et l’Observatoire de Fanny a pu reprendre son fonctionnement. Durant son séjour, elle aurait été aperçue en compagnie d’un congénère mâle (plus petit qu’elle), lequel a malheureusement été retrouvé mort, échoué sur une plage. A ce jour, les raisons du départ de Fanny, en mai 1994, demeurent inconnues…

•  FRANCOISE   (Tursiops, femelle, âge au moment des premières interactions : 7 ou 8 ans, Arcachon – France, 1988 mais déjà observée en 1983) :

Françoise partageait son existence entre ses congénères et les hommes, elle était « semi-solitaire ». En effet, la dauphine faisait partie d’un groupe de dauphins sédentaires qui évoluait au large d’Arcachon, groupe qu’elle n’hésitait pas à quitter le temps d’aller s’adonner à quelques interactions avec les humains.

Selon le témoignage de Nathalie Candelon, qui a entretenu des contacts très réguliers et répartis sur une longue période avec la dauphine, cette dernière semblait choisir les personnes avec lesquelles elle voulait interagir « ignorant superbement celles qui ne l’intéressaient pas », et afficher une préférence pour les enfants et les hommes, sans accepter le contact physique. Toujours selon les observations de Nathalie Candelon, Françoise a progressivement pris ses distances vis-à-vis des hommes privilégiant les contacts avec ses congénères…

La dauphine est décédée en décembre 2000, elle s’est emmêlée la nageoire caudale dans le noeud coulant d’un cordage…

•  DOLPHY/DOLLY (Tursiops, femelle, âge au moment des premières interactions : jeune, Côte Vermeille – France, 1990) :

« Dolphy s’est retrouvée isolée de son groupe suite à sa prise dans un filet… Ce sont des hommes qui l’ont aidée à se dépêtrer de ce piège. » C‘est l’une des hypothèses qui a été avancée concernant la dauphine, non vérifiée à ce jour, voire peu probable…

Peu à peu Dolphy, comme tout « ambassadeur » digne de ce nom, s’est rapprochée des baigneurs et des interactions ont eu lieu. Parmi, ses activités préférées, on retrouvait : jouer avec les balises, et faire des bonds…  Elle avait aussi ses habitudes : il était rare qu’elle ne soit pas au rendez-vous des bateaux des compagnies de navigation locale. Il faut être monté dans une de ces embarcations pour comprendre le plaisir qu’éprouvait et manifestait la dauphine. Il était prodigieux de voir avec quelle maîtrise elle se jouait du bateau. Elle se plaçait délibérément à l’étrave et se livrait alors à une démonstration incroyable de son aisance dans l’eau, et certainement aussi de son espièglerie.

Source : « Les dauphins, ambassadeurs des mers » de Henry Augier.

Elle allait et venait entre Banyuls, Collioure, la côte espagnole… La dauphine semblait attirer les chiens qui n’hésitaient pas à se jeter à l’eau afin de partager un moment avec elle. Elle avait également pour habitude de venir nager sous les fenêtres de l’Institut Océanographique Arago. A3.jpg

Comme de coutume, Dolphy a été victime de sa popularité et les touristes ont afflué, cause de certains débordements : … Dans l’eau baigneurs et plongeurs nagent après Dolly avec une seule idée en tête : la toucher, à n’importe quel prix. Le clou du spectacle nous est offert par un homme d’un certain âge qui ne trouve rien de mieux que de suivre la femelle dauphin avec son petit canot à moteur ! Au détriment de Dolly et des nageurs. Le lendemain ils seront trois à suivre l’exemple… 

Source : Bulletin Réseau-Cétacés N°7 – Témoignage de Jean-Luc Le Gall.

De plus, Dolphy « acceptait » de tracter certains baigneurs, ce qui lui a causé une plaie inquiétante au niveau de sa nageoire dorsale (la peau du dauphin est extrêmement sensible). Suite à ces incidents, Eric Demay, l’un des spécialistes français des dauphins, a été appelé à la rescousse afin de veiller sur la dauphine et d’éduquer le public. Cette tache, aussi noble qu’elle paraisse, n’a pas été aisée : Dolphy était réellement devenue une « Star » qui générait un intérêt commercial non négligeable, issu du flux de touristes et de tous les produits, à l’effigie de la dauphine, qui étaient vendus. Le 12 juillet 1993, la Commune de Collioure a rédigé un arrêté afin de protéger Dolphy.

 

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Comme si la foule lui pesait, il est arrivé à la dauphine de partir, pendant la haute saison, vers des endroits qu’elle considérait peut-être plus « calmes » et de ne revenir à Collioure qu’au mois septembre. A ce propos, Fernand Garcia, un vieil ami de Dolphy écrivait le 1er octobre 1992 : Après une absence estivale de deux mois pour se rendre sur la côte espagnole (Llança, « Cao de Creus ») elle nous est revenue quelque peu changée. Quelques modifications dans son comportement sont à noter. Elle semble plus méfiante à l’égard des plongeurs habitués ou pas à l’appel du jeu en général. Actuellement elle se distrait plus particulièrement en taquinant les bouées et corps morts du port de Banyuls. A-t-elle été la proie de touristes trop entreprenants et irrespectueux, se serait-elle lassée de nous ? J’espère de tout cœur la retrouver cet hiver après la « décantation » touristique et pouvoir renouer cette formidable complicité qui s’était établie entre nous !

Source : Bulletin Réseau-Cétacés N°7.

En 1995, Dolphy s’en est allée vers les côtes catalanes. Elle a été aperçue au large en compagnie d’un groupe de dauphins. Depuis, nous n’avons aucune information la concernant…

 

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