Durant l’été, une histoire a passionné les journaux britanniques The Sun, The Daily News, The Mirror, The Express, The Economist Voice, ainsi que la presse turque Fethiye Times et Today’s Zaman. Il ne s’agit pas du feuilleton de l’été mais de l’histoire de deux dauphins, d’origine sauvage, souffrant de conditions de vie déplorables dans un delphinarium de Turquie.

La presse a ainsi consacré pas moins de 16 articles aux rebondissements de l’affaire, touchée par le sort des deux dauphins captifs, Tom et Misha, victimes de l’expansion actuelle de l’industrie du delphinarium en Turquie, et par la chaîne de solidarité qui s’est mise en place pour les sauver.

Il y a quelques années, les deux grands dauphins mâles, appartenant à l’espèce Tursiops truncatus, furent enlevés à leur habitat naturel des eaux territoriales turques pour être placés dans un petit enclos marin du Dolphin Parkde Kaş, au sud du pays, premier delphinarium de Turquie, ouvert en 2001. Le but était d’offrir une attraction aux touristes, majoritairement britanniques, et de leur permettre de nager quelques minutes avec les dauphins pour plusieurs dizaines d’euros.

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Le 6 juin dernier, Tom et Misha furent transportés durant 4 heures, dans un camion de fruits et légumes réfrigéré, vers un delphinarium nouvellement construit, à Hisaröhü, un pôle touristique près d’Ölüdeniz, au sud-ouest de la Turquie. Ils furent placés dans l’unique bassin de 11 x 22 mètres, construit par l’entrepreneur russe, Aleksandr Kuznetsov, qui prévoyait un bel avenir pour son entreprise.

Sans système de filtrage de l’eau, la piscine devint très vite insalubre; les dauphins nageant dans leurs propres excréments. Les analyses de l’eau effectuées par un vétérinaire révélèrent la présence de deux types de vers parasites et des concentrations astronomiques de bactéries coliformes, à des taux de 11 000 par 100 ml.

Bien que la piscine ait été jugée non conforme par les autorités turques, et sans licence pour opérer, le propriétaire du delphinarium tenta néanmoins de faire payer les touristes 50 euros pour nager 6 minutes avec les dauphins. Durant ces dernières semaines, la santé des dauphins se dégrada en raison de la qualité médiocre de l’eau, de la nourriture à base de poissons congelés et de l’excès de chlore. Les dauphins montraient un comportement apathique, allongés au fond du bassin et ne remontant en surface que pour respirer, ou bien erratique, sortant la tête hors de l’eau dans un va-et-vient incessant.

Malgré les dénonciations répétées de l’insalubrité des installations et des dangers pour la santé des cétacés et des touristes, les autorités turques, propriétaires des  dauphins « en location », fermèrent les yeux durant des semaines sur ces problèmes, afin de minimiser cette mauvaise publicité et de conserver cette activité lucrative.

Le journaliste d’investigation Donald MacIntyre, du journal l’Express, fut le premier à dénoncer le calvaire vécu par les cétacés. Il fut ensuite rejoint par l’actrice anglaise Helen Worth, star de la série britannique à succès Coronation Street, sous la coordination du groupe Dolphins Angels, de l’organisation turque SAD-DEMAG et de l’ONG Born Free, qui promit d’assurer le soutien financier pour la prise en charge des deux dauphins.

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La mobilisation s’organisa. Sous la pression, les tour-opérateurs britanniques Holidays4you, Thomson, First Choiceet Thomas Cookannoncèrent qu’ils boycottaient le delphinarium et soutenaient la campagne de protestation. Une marche silencieuse, organisée le 5 juillet, en protestation contre le delphinarium, réunit 600 personnes de nationalités turque et étrangère.

Un groupe Facebook fut créé et grâce à la détermination des 21 500 membres, de la mobilisation constante sur le terrain du groupe Dolphins Angelset de la pression exercée par les associations sur les autorités  turques, ces dernières demandèrent des analyses sanguines des dauphins. Celles-ci révélèrent de nombreuses déficiences ainsi qu’une pathologie rénale chez les deux cétacés. Le samedi 4 septembre, dans le journal local Fethiye Times, le maire  de Hisaröhü promit « de fermer très prochainement le delphinarium ».

Le 5 septembre, après 48 heures de négociations, l’équipe de Born Freeobtint l’autorisation de retirer les deux dauphins de leur piscine et de les transférer vers un enclos marin, prêté par l’Underwater Research Society. Après cinq heures de transport, les dauphins purent de nouveau nager dans un espace plus vaste et goûter à l’eau de mer naturelle.

Les deux dauphins, considérablement stressés et à la santé dégradée par cette période traumatique, devront subir une cure de réhabilitation et se rétablir physiquement avant de pouvoir être relâchés en Méditerranée. Encadré par une équipe de professionnels et de spécialistes, composée de membres de Born Free, de la British Divers Marine Life Rescue, de l’expert en sauvetage de mammifères marins, Doug Cartlidge, et du vétérinaire John Knight, le processus de réhabilitation suivra son cours durant les prochaines semaines.

Le projet de réhabilitation de Misha et Tom est évalué à 150 000 livres et un appel aux dons a été lancé parBorn Freeafin de réunir la somme nécessaire à sa mise en œuvre.

Lien vers la collecte de fonds : bornfree.org.uk

Source :

hurriyetdailynews.com  (05.09.10)

bornfree.org.uk

L’INDUSTRIE DU DELPHINARIUM EN TURQUIE

Expansion

Il y a encore quelques années, il n’y avait aucun delphinarium sur le territoire turc. En neuf ans, la Turquie a ouvert treize delphinariums exhibant quelques 50 grands dauphins et bélugas, la vaste majorité d’origine sauvage. Dans l’histoire de l’industrie du dauphin captif, cette croissance n’a que pour précédent l’explosion du nombre de delphinariums aux États-Unis, suite à la diffusion de la série Flipper, dans les années 1960. En quelques années, la Turquie a rejoint le Japon, les États-Unis et l’Espagne sur le podium des nations possédant le plus de delphinariums sur leurs territoires. Le développement de l’industrie s’effectue sous l’étroite collaboration d’entrepreneurs russes, également responsables des captures de dauphins et bélugas sauvages en Russie et de leur commerce en Europe de l’Est. L’Eldorado turc était une terre vierge de delphinariums à conquérir.

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Changements de législation

En 2006, la Turquie leva le moratoire sur la capture de grands dauphins (Tursiops truncatus) dans ses eaux territoriales de la Mer noire et de Méditerranée. En novembre 2007, les autorités turques confirmèrent avoir capturé 23 grands dauphins sur ces deux régions (WDCS); l’objectif étant de développer l’industrie touristique du delphinarium et d’économiser l’achat de dauphins provenant de l’étranger. Outre le traumatisme vécu pour les individus capturés, la séparation brutale des groupes familiaux, et la mortalité post-capture élevée, ces prélèvements fragilisent davantage la population de grands dauphins de la mer noire (Tursiops truncatus ponticus), qui constitue une sous-espèce « en danger », ainsi que la sous-population de Méditerranée « vulnérable » selon la liste rouge de l’IUCN. Les spécialistes rappellent que « capturer un cétacé vivant est équivalent à le tuer délibérément ou accidentellement, car l’individu n’est plus dans son milieu pour contribuer au renouvellement des générations » (IUCN/SCC, 2003).

Delphinariums turcs et massacres au Japon

Autre fait choquant, les delphinariums turcs entretiennent les massacres de cétacés au Japon, qui ont repris il y a quelques années dans le but de capturer des dauphins vivants pour les delphinariums nationaux et internationaux. En 2008, 12 dauphins furent ainsi importés par le delphinarium Sealanya, du Japon, où ils furent capturés durant les battues annuelles de cétacés, mises à jour par le film-documentaire oscarisé en 2010 « The Cove : la baie de la honte », et la mini-série « Blood Dolphin » diffusée actuellement sur Animal Planet.

Les dauphins et bélugas captifs des delphinariums turcs sont entraînés à produire des spectacles, et, pour un tarif supplémentaire, les touristes sont autorisés à toucher ou à nager avec les cétacés. Des programmes pseudo-scientifiques de thérapies pour les enfants autistes et handicapés sont même vendus à prix d’or aux étrangers et justifient l’ouverture de nouveaux delphinariums. Il est important de rappeler qu’aucune étude scientifique n’a prouvé que le contact avec des dauphins captifs apportait plus de bénéfices aux enfants malades que celui d’un animal domestique (Marino & Lilienfeld, 2007). Loin d’aider, les dirigeants des programmes de delphinothérapie profitent surtout de la faiblesse et de l’espoir des familles pour s’enrichir avec une publicité mensongère et un marketing outrancier.

Conditions de vie en captivité

La majorité des cétacés captifs, comme pour le cas de Tom et Micha, sont maintenus dans les conditions qui ne respectent pas les exigences vitales minimales des espèces, ni les normes internationales établies en matière de gestion des cétacés en captivité. De plus, le nombre d’experts ou de vétérinaires turcs spécialisés en mammifères marins est insuffisant pour traiter la population captive constituée de plus de 40 grands dauphins et de cinq belugas.

Tom, Misha et les autres :

Cinq belugas, une espèce arctique, sont actuellement maintenus dans les mêmes bassins que des grands dauphins, espèce qu’ils ne côtoieraient pas en milieu naturel, à une température très supérieure à celle de leurs eaux natales.

A Bodrum, deux dauphins, Meric et Ada, sont actuellement exhibés dans un enclos de 10 X 20 mètres en Méditerranée. Un béluga y est également mort.

Quatre des onze dauphins captifs du Delphinarium Sealanya, provenant des battues de Taiji au Japon et importés en 2008, sont morts les uns après les autres entre les 6 et 14 février 2010, pour des raisons inconnues.

Deux dauphins furent exhibés dans la piscine de l’hôtel Altin Yunus Hotel, à Cesme, en 2005.

L’un des plus récents delphinariums turcs est un centre de nage avec les dauphins, inauguré dans le sous-sol d’un centre commercial, début 2009.

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Principaux delphinariums de Turquie :

–  Istanbul Dolphinarium , Istanbul (2 bélugas – 4 dauphins)

–  Dolphinland Beach Park , Antalya (2 bélugas – 3 dauphins)

–  Troy Aqua & Dolphinarium, Belek (1 béluga – 2 dauphins)

– Adaland Dolphin Park, Kusadasi (9 dauphins)

– Sealanya Seapark, Alanya (7 dauphins)

– Kemer Dolphinarium, Kemer (3 dauphins)

– Mares Hotel, Dolphinpark & Spa,  Marmaris (3 dauphins)

Programme de delphinothérapie du delphinarium

– Dolphin Park & Beach & Restaurant, Bodrum (2 dauphins)

– Aquaclub Dolphin, Bahcesehir (2 dauphins)

– Bursa Dophin Park, Bursa (2 dauphins)

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RECOMMANDATIONS :

Ne pas alimenter la maltraitance des dauphins et bélugas, ni le commerce de dauphins sauvages, en visitant des delphinariums, si vous allez en Turquie.

Ne pas nager avec les dauphins captifs.

Privilégiez une sortie en mer ; de nombreux cétacés fréquentent les eaux côtières turques.

Partager l’histoire de Tom et de Misha avec vos amis et votre famille.

Nous transmettre votre témoignage si vous avez déjà visité un delphinarium en Turquie : info@reseaucetaces.org

Signer la pétition contre la captivité et le commerce de cétacés sauvages :
thepetitionsite.com

Adhérer aux organismes de conservation des cétacés comme Réseau-Cétacés et soutenir leurs actions avec un don.


Industrie du delphinarium en Turquie – Le cas de Tom et Misha : un exemple révélateur

 

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Réseau-Cétacés vient d’adresser cette information aux Médias français. Nous espérons ainsi attirer leur attention sur la condition des cétacés captifs.

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