Lors de sa 63ème réunion plénière, la commission baleinière internationale (CBI) a éludé l’impact de la catastrophe du Japon sur les cétacés. Or les taux de radiactivité mesurés sur les baleines sont très préoccupants selon les associations environnementales. whaling ----(C) dalli582207.jpgAlors que la 63ème réunion plénière de la CBI se tenait à Jersey du 11 au 14 juillet dernier, l’association Robin des bois attendait que la commission acte la mise en place d’une étude évaluant l’impact à long terme de la catastrophe de Fukushima Daiichi sur les cétacés (baleines, dauphins, marsouins etc.) via son comité scientifique. Mais les querelles récurrentes entre les pros et antis chasse à la baleine ont pris le pas et la question n’a pour ainsi dire pas été abordée. « Les Japonais ont fait deux coups en un : empêcher la création d’un sanctuaire dans l’Atlantique Sud et écarter les discussions de fond sur les problèmes générés par la radioactivité », se désole Charlotte Nithart de Robin des Bois. Pour l’association, la mise en place de cette étude était un enjeu crucial. Derniers maillons de la chaine alimentaire marine, les cétacés accumulent dans leurs tissus tous les polluants ingérés par les autres animaux mettant en péril notamment leur reproduction. Ces espèces dont la conservation avant Fukushima n’était déjà pas assurée pourraient donc subir durement les conséquences de l’après-séisme.

Radioactivité, un fléau discret mais durable

Les scientifiques japonais ont commencé à effectuer des mesures de radioactivité sur deux petits rorquals. Verdict ? Ils contenaient une dose de 30 becquerels par kilo (Bq/kg) de césium 137. « Les seules valeurs de référence que nous ayons sont des spécimens capturés en Mer du Nord dans un contexte d’influence directe des rejets d’usines de retraitement nucléaire. Et celles-ci sont 30 fois inférieures (1,319 Bq/kg) aux doses enregistrées au Japon alors que les animaux sont exposés à la radioactivité depuis plusieurs décennies. C’est inquiétant d’observer ces données au bout de 3 mois », explique Charlotte Nithart. Greenpeace a aussi publié fin mai des données résultant de ses propres prélèvements. L’organisation a ainsi montré un taux de radioactivité 50 fois supérieur à la limite autorisée dans des algues prélevées à 22 km des côtes. Mais, les données manquent encore pour faire un état des lieux fiable de la situation.

« Des indications sur les zones précises de pêche seraient primordiales pour interpréter de manière pertinente les mesures obtenues sur les poissons. Ces informations ne sont sans doute pas accessibles puisque l’objectif premier de ces mesures est la protection des populations, donc le contrôle de la radioactivité des débarquements de pêche. » précise le rapport de l’IRSN sur l’impact des rejets radioactifs sur le milieu marin daté du 13 mai dernier. Il ajoute aussi dans sa réactualisation du 11 juillet (voir document lié) que les niveaux de radioactivité en césium 134 et 137 enregistrés les plus élevés concernent une espèce particulière : le lançon japonais qui a la particularité d’être en début de chaîne alimentaire et de vivre enfoui dans le sable dans lequel se concentrent les éléments radioactifs. Allant dans le sens de Robin des bois, le rapport note aussi « En conséquence, si à court terme, les concentrations les plus élevées sont plutôt trouvées chez les espèces situées au début de la chaîne alimentaire, à plus long terme, une fois que le transfert dans les différents maillons des réseaux trophiques sera effectif, ce seront les prédateurs en haut de la chaîne alimentaire qui devraient présenter des niveaux plus élevés. » Pour l’association, une contamination pourrait entraîner une mutation du patrimoine génétique ou des développement anormaux d’embryons.

Impossible néanmoins d’anticiper des conséquences sur le long terme en étudiant de plus près les effets de Tchernobyl dans les mers et océans avoisinants. « Pour Tchernobyl, il s’agissait uniquement d’un impact par le biais des rejets atmosphériques. Il n’y a pas eu de relarguage d’eaux contaminées comme à Fukushima », insiste Charlotte Nithart. Les études réalisées en 1996 par l’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique) avaient montré un taux de césium 137 deux ou trois fois supérieur aux valeurs normales essentiellement en mer Baltique et en mer Noire tout en précisant que l’impact sur le public restait négligeable. Aucune étude sur les cétacés n’avait été réalisée à l’époque. Le Japon a ainsi fait part lors de la réunion à Jersey de « sa volonté de considérer la possibilité » d’effectuer des mesures de radioactivité mais aucune échéance n’a été fixée sur le sujet.

Déchets toxiques en mer : bombes à retardement

Pour Robin des Bois, le suivi ne doit pas s’arrêter à l’étude de la radioactivité mais aussi prendre en compte les substances nocives issues des débris charriés vers le large par le tsunami. L’US Navy a ainsi observé une nappe de débris de 100 km de long et de 200 km² de superficie. Pourtant lors du précédent tsunami dévastateur de 2004, les conséquences des débris transportés au large avaient peu été évoquées. « L’armée américaine s’intéresse à cette nappe pour la sécurité de la navigation car l’armée circule beaucoup dans cette zone (bateaux et sous-marins) », précise Charlotte Nithart. D’autant que la problématique est différente. Dans un pays comme le Japon, suréquipé et très développé, tout laisse à penser que les débris emmenés en mer sont beaucoup plus dangereux en termes de substances toxiques (PCB, phtalates, métaux lourds etc.). La viande de dauphin et de baleine vendue sur le marché japonais présentait avant la catastrophe des taux élevés en métaux lourds (cadmium, mercure). L’accumulation de déchets toxiques dans les zones fréquentées par certaines espèces de cétacés aggrave la situation.

Au-delà de leur toxicité, ces déchets comme les sacs plastiques peuvent aussi étouffer les cétacés ou les emprisonner. « Le littoral japonais était équipé de gros engins de pêche partis au large. Les filets fantôme sont une grande menace pour les cétacés », indique Charlotte Nithart. Les autorités japonaises estiment en effet à environ 21 000 le nombre de bateaux de pêche détruits par le tsunami. Les filets de pêche naviguant au gré des courants peuvent ainsi emprisonner tout type d’organismes marins. Robin des Bois évoque une étude réalisée en 2006 estimant que dans certaines zones du Pacifique Nord, jusqu’à 78% des baleines à bosse présentent des cicatrices provoquées par les filets de pêche. « Que cela soit sur terre ou en mer, les déchets post-catastrophes ne sont pas considérés comme une priorité par les Etats », regrette Charlotte Nithart.Petite éclaircie au sein de la réunion de Jersey, la Commission a acté la création d’un groupe de travail pour rechercher et synthétiser les données existantes sur l’ingestion des déchets plastique par les cétacés notamment les microplastiques. Une légère avancée dans un domaine scientifique où les données manquent.Source : novethic.fr  (20.07.11)Actualité récente en rapport :Japon : les effets de la radioactivité sur la vie marine…  Fukushima : « L’océan mondial conservera la mémoire de cette catastrophe »…  Océan : la contamination s’aggrave au large de Fukushima…   Une décharge en mer en train de se former après le tsunami au Japon…  Le Japon revoit à la hausse l’estimation des rejets radioactifs de Fukushima…  Des traces de radiation découvertes chez des baleines au large du Japon…    Dauphins et baleines digèrent mal les déchets en plastique des océans…   

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