Le documentaire « Inside the tanks » (« A l’intérieur des bassins ») sort des sentiers battus.

« Inside the tanks », un nouveau film du producteur et présentateur britannique Jonny Meah, âgé de 22 ans, s’inspire des débats connus autour de la captivité des cétacés. Ce nouveau film offre un aperçu unique, engagé et réfléchi des coulisses des spectacles d’orques et de dauphins du Marineland d’Antibes en France.

Le pendule trouve son centre

Comme un pendule, la perception de la société et l’approbation de garder les orques et les dauphins en captivité ont oscillé d’un extrême à l’autre et aujourd’hui, son véritable point de «repos» semble aller vers la fin de l’élevage en captivité, la fin des spectacles et le déplacement des cétacés captifs dans des sanctuaires marins. Il existe également un consensus croissant sur le besoin de normes et de réglementations modernisées pour favoriser le bien-être des animaux, et non le bien-être financier de l’industrie du parc marin.

L’opinion obéit à la loi du balancement du pendule. Si elle dépasse le centre de gravité d’un côté, elle doit le dépasser d’autant de l’autre. Ce n’est qu’avec le temps qu’elle retrouve le vrai point de repos et demeure stationnaire.’ – Arthur Schopenhauer

Fidèle à sa promesse de présenter les deux côtés de la question, Meah rencontre un biologiste marin et une spécialiste sur les orques de Nouvelle-Zélande : le Dr. Ingrid Visser, fondatrice et scientifique principale du Orca Research Trust. Il parvient également à obtenir un entretien extraordinaire avec M. Jon Kershaw, directeur zoologique du Marineland d’Antibes dans un moment rare de franc dialogue sur l’industrie.

Le Dr Visser présente une liste simple de «stéréotypes» (comportements anormaux et répétitifs) qui peuvent être facilement observés chez les cétacés captifs par quiconque fréquente un parc marin.

Elle identifie également plusieurs comportements d’automutilation, des blessures physiques et des anomalies cutanées qui ne sont tout simplement pas observés dans la nature. La preuve du mal-être des orques en captivité se distingue particulièrement sur leurs dents qui sont usées par le mâchage des barreaux de leur bassin de béton ; elles sont, dans de nombreux cas, usées jusqu’à la gencive.

M. Kershaw a une explication différente à propos de la raison pour laquelle les dents des orques s’usent : il a déclaré que les orques sauvages broyaient des os toute la journée et se cassaient souvent les dents. Le Dr Visser dit que cette représentation de ces animaux est erronée. Dans une déclaration hors-caméra, le Dr Visser affirme ‘qu’il n’y a aucune étude ni document sur les orques au monde attestant que les orques broient les os. Elles ne mangent pas les os, elles enlèvent la viande, laissant les os derrière-elles.’

Cependant, M. Kershaw affirme que, plutôt que de remplir la cavité comme un dentiste le ferait chez un patient humain, les vétérinaires du Marineland d’Antibes laissent la dent perforée exposée et passent par un processus de rinçage des dents chaque jour pour essayer de prévenir des infections.

L’article source montre une photo d’orque à la dentition usée et précise : « Pour cette orque, détenue au Marineland d’Antibes, beaucoup de ses dents sont usées, un certain nombre ont été forées et au moins une de celles-ci est fissurée. Le docteur Visser affirme que ces blessures proviennent du fait que l’orque mâche le béton et conduit les soigneurs à forer les dents lorsque la gencive est exposée. M. Kershaw avoue que cela serait dû à l’ennui. »

Les commentaires de M. Kershaw sur les conditions de captivité et l’état des cétacés du Marineland d’Antibes sont complètement francs et simples. Quand Meah pose à M. Kershaw une question sur un pli inhabituel dans le cou du dauphin (montré par le Dr Visser), il reconnaît qu’il n’a jamais pensé que ce soit dû au fait que les dauphins cherchent sans cesse les dresseurs et que c’est ce qui provoque probablement des « plis de posture » qui ne se voient pas dans la nature.

À un moment du film, M. Kershaw a semblé contemplatif et solennel alors qu’il réfléchit à la mort de deux entraîneurs décédés en travaillant avec des orques à 2 mois d’intervalle en 2009 et 2010. Les entraîneurs, Alexis Martinez et Dawn Brancheau ont été tués lors d’incidents de « travail dans l’eau » à Loro Parque à Tenerife, en Espagne et à SeaWorld Orlando aux États-Unis. Les deux décès des soigneurs ont fait l’objet du film Blackfish qui a modifié la perception du public sur le maintien des orques en captivité à tel point que l’industrie du parc marin, elle le reconnaît elle-même à contrecœur, ne puisse plus jamais se défaire de l’image véhiculée par le film.

Le Dr Visser a été infatigable dans ses efforts pour faire évoluer la discussion vers le «prochain niveau» en assurant la promotion des sanctuaires marins et pour s’assurer que le bien-être des cétacés soit pris en compte. De l’autre côté, il convient de féliciter M. Kershaw car il semble accepter réellement la réalité de son industrie et la nécessité de changer.

Vive la France – Vive les Orques

Le 17 mars 2016, SeaWorld a secoué l’industrie de la captivité lorsqu’il a annoncé qu’il avait conclu un accord avec The Humane Society of the United States pour mettre fin à l’élevage des orques dans ses trois parcs marins aux États-Unis (San Diego, Orlando et San Antonio) et des orques captifs à Loro Parque à Tenerife, en Espagne.

Six mois plus tard, le 13 septembre 2016, le gouverneur de Californie, Jerry Brown, signe la loi sur la protection et la sécurité de l’orque, interdisant l’élevage des orques en captivité, ainsi que les spectacles.

Puis, le 3 mai 2017, peu de temps après l’achèvement de « Inside the tanks », le pendule de l’opinion publique et des normes sociales s’est équilibré lorsque le gouvernement français a adopté un arrêté interdisant la reproduction des orques et des dauphins, actuellement détenus en France. Ainsi, seuls les orques et les dauphins actuellement détenus au Marineland d’Antibes peuvent continuer à être détenus, mais ne peuvent participer à la reproduction.

Pendant le film, nous voyons Meah traverser sa propre métamorphose alors qu’il découvre qu’il y a plus de points communs entre «militants» et «dresseurs» que l’on ne pourrait l’imaginer. « Inside the tanks » est un film méritant l’admiration des deux côtés et poussant à un questionnement que nous devons tous commencer.

Le film est gratuit et Meah encourage son partage sur les réseaux sociaux. Conformément à la nature internationale de ce problème, en plus de la version anglaise (avec des sous-titres pour malentendants), des versions avec des sous-titres en français, en allemand et en espagnol sont également fournies.

© Traduction : Léana Bag & Sandra Guyomard pour Réseau-Cétacés

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Article publié le 15 juin 2017 sur le site du Huffington Post
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