Les Romains chassaient la baleine en Méditerranée mille ans avant les Basques, dont on croyait jusqu’à présent qu’ils étaient les premiers à avoir pratiqué la chasse commerciale des cétacés, estime une équipe de chercheuses internationale.

Cette équipe internationale, impliquant des chercheuses du CNRS et de l’université de Montpellier, émet cette hypothèse mercredi dans la revue Proceedings of the Royal Society of London B après la découverte d’ossements de deux espèces de baleines aujourd’hui disparues de Méditerranée, qui pourraient témoigner d’une industrie baleinière romaine oubliée.

Elles ont utilisé de nouvelles techniques pour étudier des os de baleines provenant de sites archéologiques d’usines romaines de salage de poisson dans le détroit de Gibraltar, et les analyses moléculaires d’ADN ancien et d’empreinte de collagène ont été menées à l’Université de York, en Angleterre.

Les analyses ont permis d’attribuer plusieurs ossements à des baleines franches de l’Atlantique Nord (Eubalaena glacialis), pratiquement exterminées après des siècles de chasse, et des baleines grises (Eschrichtius robustus), aujourd’hui restreintes au Pacifique Nord, et de montrer que ces deux espèces étaient présentes il y a 2.000 ans en Méditerranée, où elles venaient probablement se reproduire.

Avant cette étude, la mer Méditerranée était considérée comme étant « à l’extérieur de l’aire historique de répartition de ces deux espèces », soulignent les chercheurs.

Technologies rudimentaires

Plusieurs ossements ont été retrouvés notamment dans les ruines de Baelo Claudia, une ancienne ville romaine proche de Tarifa, en Espagne, par des archéologues de l’Université de Cadiz. La cité comptait une grande usine de transformation de poissons, d’une capacité totale de 475 m², qui aurait pu aussi servir, pensent les chercheurs, à transformer des baleines.

« Nous sommes parvenus à cette hypothèse tout d’abord parce que la région de Gibraltar était, pendant la période romaine, au centre d’une industrie massive de transformation de ressources marines, y compris de grands poissons comme le thon », explique Ana Rodrigues, directrice de recherche en écologie au CNRS et auteure principale de l’étude.

« Les Romains n’avaient pas la technologie nécessaire pour capturer les grandes baleines présentes aujourd’hui en Méditerranée, qui sont des espèces de haute mer. Mais la baleine franche et la baleine grise, deux espèces côtières, ont été chassées ailleurs depuis plus de 2.000 ans avec des technologies rudimentaires que les Romains maîtrisaient sans doute. Toutes les conditions sont réunies pour que notre hypothèse soit plausible », estime Ana Rodrigues.

Pour les chercheurs, les deux espèces ont pu être capturées en utilisant de petits bateaux à rames et des harpons, comme l’ont fait les chasseurs de baleines basques beaucoup plus tard.

Leur présence avérée en Méditerranée apporte aussi selon eux « un nouvel éclairage sur les sources historiques anciennes ».

Elle expliquerait notamment la description, datant du premier siècle, du naturaliste Pline l’Ancien, d’orques attaquant des baleines et leurs baleineaux dans la baie de Cadiz.

Source : zonebourse.com – Publié le 11 juillet 2018
Photo de une : Wikipedia

 

Loading...