Traduction par David Delpouy pour #RéseauCétacés d’un article de Tim Burns publié le 14 février 2019 sur le site du Dolphin Project.

Récemment, le Dolphin Project a eu l’occasion de s’entretenir avec Ren Yabuki, le président de l’organisation Life Investigation Agency (LIA). La LIA se focalise sur la défense des droits des animaux au Japon. Nous avons rencontré Ren pour la première fois lors de la saison de chasse au dauphin de 2016/2017, alors qu’il s’était rendu à Taïji pour s’informer sur les questions liées à l’industrie de la captivité au Japon.

La LIA est à l’origine de plusieurs actions en justice intentées au Japon, et défend avec brio les droits des animaux. La LIA, en collaboration avec un habitant de Taïji, vient d’annoncer l’ouverture d’une action en justice pour dénoncer la chasse au dauphin pratiquée à Taïji, et le traitement immoral et la torture dont sont victimes les dauphins. La LIA espère que ce procès mettra un terme à cette chasse à Taïji et à la souffrance des dauphins.

Ren en interview à Taïji.

Entretien avec Ren Yabuki

Je veux que les gens comprennent que ces animaux ont un cœur, et ressentent des émotions. Le fait de ne pas utiliser le même langage ou de ne pas appartenir à la même espèce ne signifie aucunement que nous pouvons les exterminer.

Question : Quand avez-vous eu vent pour la première fois des battues organisées à Taïji ?

Réponse : J’ai été informé sur l’existence de ces rabattages de dauphins grâce au documentaire The Cove.

Q : À quel degré êtes-vous informé sur ces battues par les médias japonais et jugez-vous que ces sources sont objectives ? Impartiales ?

R : Généralement, les médias japonais et les réseaux d’information ne couvrent pas consciencieusement les sujets d’actualité liés à la chasse au dauphin. Quand les journaux en font la couverture, les renseignements manquent d’objectivité et de véracité. Les médias ont tendance à taire et occulter des informations, ne dévoilant jamais au peuple japonais l’entière vérité.

Q : Quelle expérience avez-vous tiré de votre séjour à Taïji et du fait d’avoir été témoin direct de ces battues ?

R : Ce que j’ai vu m’a profondément bouleversé et a fortement affecté ma paix intérieure. Un flot d’émotions négatives a inondé mon corps, faisant bouillir mon sang à la vue de la monstruosité dont j’étais témoin. Je peine à décrire ce que j’ai réellement ressenti car il est impossible de trouver les mots justes. Ce que je peux dire, c’est que j’ai ressenti de la tristesse, du désespoir, de la colère et un sentiment d’impuissance, alors que j’étais incapable de tout arrêter, ou de faire quoi que ce soit, si ce n’est être spectateur, horrifié, des scènes qui se jouaient devant moi. À la fin de la journée, j’étais complètement épuisé et vidé par tout ce que j’avais vu durant la chasse au dauphin.

Q : Pouvez-vous apporter des précisions au sujet de la plainte formulée par la LIA ? Qu’espérez-vous obtenir ?

R : Le but de la poursuite de la LIA est de mettre un terme à la chasse au dauphin.

Q : Je crois comprendre qu’un habitant de Taïji s’est joint à vous dans l’action en justice. Comment est-ce arrivé ?

R : S’opposer à la chasse au dauphin à Taïji est plus difficile qu’on le croit. J’ai rencontré quelqu’un qui s’insurgeait seul dans l’obscurité, essayant de s’opposer seul à la chasse au dauphin. Depuis que j’ai rencontré cet individu, « il » s’est joint à notre action en justice et nous avons par la même occasion noué une vraie amitié. J’ai le plus grand respect pour cette personne et « il » est l’une des personnes les plus courageuses que je connaisse.

LIA plaidant la cause des animaux.

Q : Pensez-vous que cette action va attirer l’attention des médias (du Japon et du monde entier) sur la chasse pratiquée à Taïji et sur la question de la captivité en général ?

R : Étant donné que cette affaire est la première du genre au Japon, je ne peux pas certifier que les médias la relaieront ou pas. J’espère que les journalistes couvriront le sujet avec exactitude et impartialité. S’ils en sont capables, les citoyens japonais seront en mesure d’examiner l’ensemble des faits par eux-mêmes. Si les journalistes ne rapportent pas les faits avec précision, les informations seront erronées. Des animaux qui vivaient autrefois libres dans la nature ont par la suite été capturés et forcés à devenir des attractions dans des aquariums et des zoos. Imaginez si nous faisions cela à d’autres humains – votre famille ou vos amis par exemple – si nous les kidnappions et les enfermions dans des cages pour le restant de leurs jours. Être piégé jusqu’à la mort est une chose cruelle et inhumaine. Je veux que les gens comprennent que ces animaux ont un cœur, et ressentent des émotions. Le fait de ne pas utiliser le même langage ou de ne pas appartenir à la même espèce ne signifie aucunement que nous pouvons les exterminer.

Q : Pensez-vous que les habitants de Taïji soutiennent ces battues ?

R : Je pense qu’en général, les habitants de Taïji ne se préoccupent pas de la chasse au dauphin et, par conséquent, ne savent pas grand-chose à son sujet ni sur ses victimes.

Q : Pensez-vous que les citoyens japonais soutiennent les battues pratiquées à Taïji ? L’industrie de la captivité ?

R : Quand un japonais se rend dans un aquarium, par exemple, il ne se demande pas d’où vient le dauphin ni comment il est arrivé là. Tout ce que les visiteurs voient, c’est une créature heureuse en train de nager et ils ne s’encombrent pas l’esprit avec d’autres détails. S’ils savaient comment les dauphins ont été enlevés à leur environnement naturel et familial, je crois qu’ils seraient opposés à leur maintien en captivité. En règle générale, les dauphins capturés sont vendus entre 4 et 6 millions de yens chacun. Si le grand public était informé sur la question, je pense que la majorité des citoyens serait opposé à la chasse et à la captivité.

Q : Attendez-vous de la part des occidentaux la mise en œuvre d’actions différentes de celles menées au Japon ?

R : Je n’attends pas de mise en œuvre d’actions différentes de la part des occidentaux. Le Japon développe lentement mais sûrement ses valeurs de la même manière qu’une culture occidentale peut le faire. Nous sommes tous humains et nous cherchons à valoriser les mêmes principes. Notre méthode pour atteindre ce même objectif peut être légèrement différente, mais je sais que le Japon commence déjà à changer ses mentalités. Bien que cela prenne du temps et que, malheureusement, de nombreux animaux périssent, plus vite nous pourrons coopérer, plus vite nous serons en mesure de sauver les dauphins et l’environnement que nous chérissons tous.

Q : Estimez-vous qu’il s’agit d’un problème « japonais » ou « mondial » ?

R : Je pense qu’il s’agit d’un problème d’ordre mondial, car de nombreux pays participent à l’achat et à la vente de ces animaux à des fins de divertissement dans les aquariums et les delphinariums. L’un des facteurs déterminants liés au problème est le fait que les pays impliqués sont mal informés sur la question et manquent d’informations importantes qui influenceraient leurs décisions.

Q : Comment les citoyens peuvent-ils aider ?

R : La LIA est une organisation caritative composée de bénévoles. Avec votre soutien, nous pouvons perfectionner notre ONG et enrayer efficacement la chasse au dauphin. Pour plus d’informations, merci de visiter notre site web.

Nous remercions Ren et la LIA d’avoir pris le temps de s’entretenir avec nous et nous mettrons ce blog à jour à mesure de l’évolution de cette affaire.

 

Version japonaise – cliquez ici pour lire le document .PDF

Article original : dolphinproject.com

Photos © LIA

Loading...