Parmi les mammifères marins qui sont de passage en mer Méditerranée ou qui s’y installent durablement, on compte des dauphins, des cachalots ou encore des orques. Ces espèces emblématiques sont aussi très vulnérables. Depuis plus de 10 ans, les scientifiques voulaient effectuer un recensement précis de la vingtaine d’espèces de cétacés présentes en Méditerranée et en mer Noire. Ce souhait est devenu une réalité il y a quelques mois. Dans le cadre de la Monaco Ocean Week, du 24 au 30 mars 2019, l’ACCOBAMS (l’Accord sur la Conservation des Cétacés de la Mer Noire, de la Méditerranée et de la zone Atlantique adjacente) a présenté mercredi 27 mars les résultats de sa grande campagne de recensement des cétacés et de la mégafaune marine, menée pendant l’été 2018.
C’est la première fois qu’une telle opération est effectuée à l’échelle de la Méditerranée. Plus d’une centaine de scientifiques ont participé à l’opération, à bord d’avions et de bateaux. La campagne a représenté 800 heures de survol aérien sur plus de 70.000 km, et le bateau principal, le Song of the Whale, a parcouru près de 22.000 km. A cette occasion, un grand nombre de scientifiques du bassin méditerranéen ont été formés à l’observation des cétacés et à l’analyse des données, créant ainsi une compétence régionale au suivi de ces populations.
Lors de la campagne aérienne, plus de 11.000 cétacés ont été répertoriés, mais également un nombre impressionnant de morceaux de plastiques flottant dans l’océan… En effet pas moins de 40.000 débris de plastique de large gabarit (plus de 30 cm de diamètre) ont été recensés par les équipes aériennes !
Une campagne de recensement à grande échelle
Les avions ont survolé la mer en effectuant de grands zigzags, pendant que les scientifiques embarqués identifiaient et dénombraient les cétacés qui étaient en surface. Lors du recensement, les scientifiques ont eu quelques surprises : un grand groupe de requins marteau a été observé au sud de l’Italie, de grands rorquals le long du corridor des Baléares, et de nombreux cétacés au niveau de la zone du sanctuaire Pelagos. Ces aires protégées ont donc une réelle utilité écologique. L’équipe à bord des bateaux a également écouté les bruits sous-marins pour repérer les cétacés qui remontent rarement en surface, comme les cachalots.
Les chercheurs estiment que la mégafaune observée représente 3% du nombre réel d’individus présents en Méditerranée. Les résultats sont encore en cours de traitement. Ils devraient permettre d’informer les décideurs publiques au cours de l’automne, puis déboucher sur des publications scientifiques quelques mois plus tard. Les scientifiques vont recommencer l’exercice dans la Mer Noire cet été.
Des espèces en danger à cause des activités humaines
Cette étude met en lumière la fragilité des cétacés. En 2012, d’après l’IUCN, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature, 4 des espèces de cétacés en Méditerranée étaient considérées « en danger », 3 étaient « vulnérables » et 9 n’avaient pas été assez observées pour pouvoir être classées. Les menaces qui pèsent sur la mégafaune sont nombreuses : le trafic maritime engendre des collisions avec les bateaux et une pollution sonore importante pour les cétacés. Florence Descroix-Comanducci, secrétaire exécutive de l’ACCOBAMS explique :
« Avez-vous déjà essayé de converser dans un restaurant bruyant ? C’est ce qui se passe pour les cétacés. La pollution sonore les amène à réduire leurs plages d’émission de signaux et cela appauvrit leur langage. Comme ils s’orientent avec leur sonar, cela peut aussi les amener à se perdre. »
Les dauphins se prennent aussi dans les filets de pêcheurs et les baleines sont parfois harcelées par les touristes. Nouvelle source d’inquiétude : la pollution plastique, qui touche les cétacés dans tous les océans du globe.
Protéger les océans grâce à la sensibilisation
Les données récoltées lors de cette campagne serviront de point de comparaison pour de futurs recensements. Mais l’ACCOBAMS a aussi pour mission d’informer le public grâce à des actions de sensibilisation. Pour protéger la faune marine, chacun peut agir en adoptant de bons gestes au quotidien : réduire sa consommation de sacs plastiques, pailles et plastiques jetables, et ne rien jeter par-dessus bord lorsque l’on navigue en bateau.
Les résultats serviront en premier lieu à informer les dirigeants des pays proches de la Méditerranée. Les organisateurs espèrent que ces données serviront de détonateur.
« Les États pourraient créer de nouvelles zones protégées, repenser le tracé de certaines routes maritimes ou encore limiter la vitesse des bateaux dans certaines zones qui sont des habitats critiques pour les cétacés », propose Florence Descroix-Comanducci.
La mégafaune marine est en effet au sommet de la chaîne alimentaire. La moindre perturbation entraîne un déséquilibre de l’ensemble de la biodiversité, et a donc des conséquences pour l’Homme.