Une passionnante observation a eu lieu à Strangford Lough (Comté de Down), où deux orques imposantes ont fait surface.

Mais leur beauté cache une bien triste vérité : ces deux spécimens pourraient être les derniers d’une famille menacée d’extinction.

Non seulement ces orques pourraient s’être perdues sur les côtes d’Irlande du Nord, mais elles pourraient bien constituer le dernier groupe de résidentes du Royaume-Uni.

Depuis le rivage, Adam Osborne a pu capturer cet instant unique grâce à son appareil photo et son grand objectif.

Il témoigne : « J’ai reçu un message m’informant qu’il y avait des baleines dans la baie, mais j’ai pensé que j’aurais peu de chances de les voir. Je suis quand même descendu sur le rivage et j’ai été très étonné de les apercevoir. J’ai eu beaucoup de chance ».

Le chef des gardes forestiers du Strangford Lough & Ards Peninsula National Trust, Hugh Thurgate, a expliqué pourquoi le fait de voir ces incroyables spécimens constituait un événement à la fois heureux et douloureux.

« Observer ces orques a été un grand moment de joie et une expérience unique dans ma vie, et pour cela je me sens privilégié ». a-t-il déclaré.

« Mais il serait malavisé de ma part de ne pas souligner que ces deux orques mâles appartenaient à un groupe composé de seulement huit animaux, qui formait la population de la côte Ouest, le seul groupe résidant au Royaume-Uni. » a-t-il ajouté.

« Ces mâles sont connus sous le nom de WO1 John Coe, identifiable grâce à la courbure de sa nageoire dorsale et à ses marques, et de W08 Aquarius. Ils passent une grande partie de leur temps dans la région des Hébrides intérieures et extérieures, et sur la côte Ouest de l’Ecosse.

Ces dernières années, les observations suggèrent que ces deux mâles pourraient être tout ce qui reste des huit animaux qui constituaient autrefois cette population, intensivement étudiée depuis 1992. Pendant tout ce temps, leurs tentatives de reproduction ont échoué.

Il s’agit d’une population isolée et vieillissante qui est tragiquement vouée à l’extinction, en raison de l’infertilité causée par l’accumulation de métaux lourds toxiques, notamment les PCBs  (polychlorobiphényles). »

« Les PCBs étaient couramment utilisés dans les transformateurs électriques, les condensateurs, les huiles hydrauliques et lubrifiantes, et avaient de nombreuses autres applications industrielles, commerciales et domestiques.

Et bien que leur utilisation ait été interdite au Royaume-Uni en 1986, ils se décomposent extrêmement lentement. Les orques étant des prédatrices, elles se trouvent au sommet de la chaîne alimentaire, et sont donc enclines à accumuler et stocker les PCBs dans leurs tissus cellulaires.

Nous sommes de plus en plus conscients de l’impact négatif de l’homme sur l’environnement, qu’il partage avec d’autres formes de vie dans la Nature. »

« La disparition de cette population d’orques sur la côte Ouest n’est qu’un exemple de plus.

J’espère que ceux d’entre nous qui ont eu la chance de voir ces animaux fantastiques seront déterminés à en faire plus pour aider à protéger la nature. »

Hugh a été alerté de la présence des orques par le capitaine du ferry de Strangford.

« Je rentre à la maison après avoir été témoin de l’incroyable spectacle de deux orques mâles visitant le Strangford Lough après être passées par Craigyouran, Round Island, Marlfield, Ballyhenry et The Narrows. » a-t-il déclaré.

« Mon collègue Will et moi-même étions au cœur du National Trust, en train de déplacer du bétail, lorsqu’au même moment, les orques remontaient le Lough. Si j’avais répondu à l’appel de Mark Mahon du ferry de Strangford à Portaferry, m’avertissant que les orques étaient dans le Lough, nous aurions pu les voir de très près, depuis un bateau.

Je les observais à travers un télescope près du Fool’s Penny à Killyleagh. Elles devaient être à trois mille marins de là, à presque cinq kilomètres. J’ai été frappé par leur taille imposante, en particulier la nageoire dorsale qui mesurait près d’un mètre quatre-vingts.

On pouvait sentir leur puissance lorsqu’elles fendaient le cours de l’eau, forçant les vagues à se briser sur leur rostre, avec une éclaboussure blanche expulsée de leur évent, tel un spray d’aérosol par-dessus leur tête. »

Lorsqu’elles ont plongé, c’était à très faible profondeur, presque au ralenti, et il a fallu beaucoup de temps avant que la nageoire dorsale disparaisse sous l’eau. Elles ont refait surface à plusieurs reprises, puis ont disparu pendant quelques minutes, avant d’apparaître de nouveau. »

Les orques sont une espèce protégée et le public a été informé de ne pas les approcher si elles revenaient sur le territoire.

L’orque mâle John Coe a été repéré pour la première fois dans les années 1980, identifiable par la grande entaille au bas de la nageoire dorsale, et une morsure dans la queue.

Les orques adultes mesurent jusqu’à 9,8 mètres de long, peuvent nager à 56 km/h et vivre jusqu’à 90 ans.

Traduction par Léana Bağ pour Réseau-Cétacés d’un article de Jilly Beattie, publié le 16 mai 2020, sur le site du média irlandais Belfast Live.
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