Des inventaires récents publiés aujourd’hui sur la Liste rouge de l’IUCN (Liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature) officialisent le fait que la baleine franche est venue rejoindre une liste grandissante d’animaux en voie d’extinction et est maintenant classée comme « gravement menacée ». En cause : les collisions avec les navires et les lignes de pêche dans lesquelles les baleines s’enchevêtrent.

La Baleine franche de l’Atlantique Nord (Eubalaena glacialis) vient de passer de la catégorie « En danger » à la catégorie « En danger critique d’extinction » sur la Liste rouge de l’UICN. Et pour cause : il resterait moins de 250 individus matures de cette espèce fin 2018 ; la population totale ayant diminué d’environ 15% depuis 2011. Sur les quelque 400 baleines franches (Eubalaena glacialis) restantes, un quart seulement se compose de femelles en âge de procréer et en mesure de produire plus de baleineaux pour contribuer à l’augmentation de la population. Cela signifie que même la mort d’un seul animal peut faire la différence entre le rétablissement et l’extinction de l’espèce.

Autrefois considérée par les baleiniers comme la baleine idéale à chasser parce qu’elle se déplaçait lentement et flottait après avoir été tuée, la situation difficile de la baleine franche a été bien documentée depuis les années 1980, dans la mesure où elle a eu du mal à se rétablir après les mesures de protection prises contre la chasse à la baleine en 1935. L’enchevêtrement dans les équipements de pêche et les collisions avec des navires sont les principales menaces pour ces espèces, tandis que  le taux de reproduction est plus faible que les années précédentes.

« La baleine franche est en voie de disparition depuis 10 ans maintenant », a déclaré le Dr Justin Cooke, expert de l’UICN pour cette espèce et conseiller scientifique d’IFAW, le Fonds international pour la protection des animaux. « Bien qu’il y ait eu des progrès dans la réduction des collisions avec les navires, les enchevêtrements mortels dans les équipements de pêche sont devenus plus fréquents. Nous perdrons cette espèce à moins que nous ne puissions continuer à réduire toutes les interactions des navires avec les baleines franches et à nous assurer que seuls des équipements pour la pêche sûrs pour les baleines sont utilisés. »

Sur les 30 décès ou blessures graves de Baleines franches de l’Atlantique Nord d’origine humaine confirmés entre 2012 et 2016, 26 étaient dus à un enchevêtrement.

De plus, les changements climatiques semblent exacerber les menaces qui pèsent sur les Baleines franches de l’Atlantique Nord selon l’UICN. En effet, des températures plus élevées de l’eau de mer ont probablement poussé leurs principales proies plus au nord pendant l’été, dans le golfe du Saint-Laurent, où les baleines sont plus exposées à des collisions accidentelles avec les navires et à un risque élevé d’enchevêtrement dans les câbles des casiers à crabes.

Quelles mesures pour protéger les baleines franches de l’Atlantique Nord ?

Au cours des dernières années, un certain nombre de mesures visant à réduire les risques de collision avec les navires ont été mises en place dans les eaux territoriales des États-Unis pour l’ensemble de l’habitat critique de la baleine franche, notamment une réglementation visant à réduire les risques de collision (« US Ship Strike Rule »), un système réglementaire de gestion dynamique et de zones saisonnières ainsi qu’un système de signalisation pour les navires, basé sur la bioacoustique. IFAW et ses partenaires ont contribué à ces efforts en contrôlant et cartographiant la vitesse des navires, en mettant en place un programme sur la responsabilité des entreprises et en développant une application de signalisation des baleines « Whale Alert ».

Cependant, le problème des collisions avec les navires n’est pas maîtrisé, deux baleineaux ayant été tués aux États-Unis dans des collisions rien que cette année (l’un étant présumé mort, l’autre venant juste d’être autopsié). Dans les eaux territoriales canadiennes, le ministère de la Pêche et des Océans a commencé à imposer des restrictions réactives sur la vitesse de navigation quand des baleines franches sont signalées dans le Golfe du Saint-Laurent, mais au moins 4 baleines franches y ont été victimes de collision et tuées en 2019. Depuis 2017, il a été confirmé que 18 baleines franches au total ont été tuées, soit lors de collisions avec des navires (10), soit suite à un enchevêtrement (8).

« Il faut agir en urgence pour supprimer les collisions avec les navires aussi bien dans les eaux territoriales des États-Unis que dans celles du Canada. Jusqu’à ce que des mesures efficaces soient en place, ces baleines continueront à être cruellement blessées et tuées de cette manière », ajoute Patrick Ramage.  « L’enchevêtrement dans des lignes verticales utilisées pour la pêche au homard et au crabe représente aussi une menace urgente pour la baleine franche. La fréquence de ces incidents a considérablement augmenté au cours des dernières années et il est choquant de constater que près de 83 % des individus qui composent la population des baleines franches ont été enchevêtrés dans des filets et des lignes au moins une fois. »

Comme les baleines franches longent la côte est d’Amérique du Nord lors de leur migration, elles traversent des eaux très fréquentées, avec quantités d’équipements pour la pêche au homard et au crabe. Les baleines se retrouvent facilement prises dans les lignes verticales attachées à ces équipements et peuvent les traîner avec elles pendant des mois ou des années. Cela entraîne un stress et des blessures graves, ralentit la baleine, l’empêche de se déplacer et de s’alimenter librement, résultant finalement dans une mort lente et douloureuse.

L’Europe joue un rôle de premier plan dans le secteur américain de la pêche au homard, les exportations de homards vers l’Europe représentant un montant de 81,3 millions de dollars en 2018. Cela comprend les homards vivants, congelés, séchés et préparés provenant de Nouvelle Angleterre ainsi que la langouste de Floride.

La pêche sans ligne – en déployant l’équipement sans utiliser de lignes de bouée verticales dans la colonne d’eau – peut réduire considérablement ou supprimer les risques d’enchevêtrement pour les baleines franches. Cette technologie est largement employée par d’autres pays du monde. IFAW soutient et encourage le développement et l’usage d’alternatives pour les équipements traditionnels de pêche au homard et au crabe afin de protéger les baleines.

Source : Notre Planète info – Publié le 09.07.2020
Photo de une : Wikimedia

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