2020 pourrait être une nouvelle année noire pour les dauphins sur le littoral français avec de nombreux échouages liés à la pêche, faute de mesures suffisantes, avertissent scientifiques, ONG et l’Europe.

« Nous avons de nouveau des échouages extrêmement élevés, principalement en Vendée, Charente-Maritime et Sud-Bretagne », constate Hélène Peltier, de l’observatoire scientifique Pelagis.

Du 1er janvier au 17 mars, date du 1er confinement, un millier de petits cétacés se sont échoués dans le golfe de Gascogne, dont 80% de dauphins communs. La Bretagne a connu des échouages importants entre juillet et septembre, en plus des pics hivernaux de mortalité. La Picardie n’est pas en reste, un dauphin a été retrouvé mort en septembre au Hourdel. Environ 70% des animaux autopsiés portent des traces de capture par des engins de pêche.

Mais la plupart des cadavres coulent en mer.

« Nous sommes entre 8.000 et 10.000 morts chaque hiver depuis deux ans », indique Hélène Peltier.

Le problème n’est pas nouveau : l’observatoire Pelagis constate depuis 2016 une aggravation de ce phénomène vieux de 30 ans. Une situation qui menace la population de dauphins communs dans le golfe de Gascogne, s’inquiètent des scientifiques.

Pour la Commission européenne, la France ne remplit pas ses obligations envers cette espèce protégée. Une procédure d’infraction a été ouverte en juillet.

Le Ciem, organe scientifique qui surveille les écosystèmes de l’Atlantique nord et le niveau des stocks de poissons, recommande dans le golfe de Gascogne « une combinaison de fermetures temporelles pour tous les métiers concernés et l’usage de pingers (dispositifs acoustiques destinés à éloigner les cétacés) sur les chalutiers pélagiques en bœuf » et propose d’autres alternatives, comme une réduction de l’effort de pêche de 40%.

« La Commission examine les nouvelles recommandations du Ciem pour voir comment elles peuvent être utilisées pour atteindre un bon résultat, dans le respect des droits des citoyens et des pêcheurs », indique une source européenne à l’AFP.

Plus de contrôles

Ces hypothèses sont rejetées par les pêcheurs français, déjà très inquiets des conséquences du Brexit et du Covid-19.

« Vous ne pouvez pas flinguer toute une filière parce que vous avez décidé d’arrêter toute forme de pêche pendant quatre mois », proteste Hubert Carré, directeur général du Comité national des pêches maritimes (CNPMEM).

Les pêcheurs participent à des programmes de recherche pour améliorer les pingers, avec des observateurs ou des caméras embarquées, fait-il valoir.

« On ne sait pas à quel stade de l’action de pêche on a ces captures accidentelles », dit-il, assurant qu’à terme, « l’idée est d’adapter la technique de pêche ».

La ministre de la Mer Annick Girardin a fermé la porte à des fermetures de pêche. Elle a promis davantage de contrôle en 2021 pour faire respecter l’obligation par les pêcheurs de déclarer les captures accessoires.

Le gouvernement prévoit aussi d’imposer des pingers aux chalutiers concernés pendant toute l’année, de renforcer la présence d’observateurs sur les bateaux et d’expérimenter des caméras à bord.

« Les captures accidentelles de dauphins, il y en a (…) Mais nos connaissances scientifiques sont insuffisantes pour remettre en cause la totalité d’une filière aujourd’hui », affirmait la ministre en octobre.

Des caméras pour filmer les filets

Un argument rejeté par Hélène Peltier.

« Expliquer que les scientifiques manquent de données, ce n’est pas la vérité », dit la biologiste, estimant qu’« aucune des mesures proposées par la ministre ne va générer une réduction des captures accidentelles cet hiver ».

Pour les ONG, le compte n’y est pas. « Il faut de la transparence. Nous demandons des caméras embarquées qui filment les filets et permettent d’avoir une photographie réaliste de l’impact de la pêche sur la zone », plaide Lamya Essemlali de Sea Shepherd, qui patrouille depuis plusieurs hivers dans le golfe de Gascogne pour filmer les captures accidentelles.

« L’Etat, en n’obligeant pas les pêcheurs à faire remonter leurs données sur ces captures, a raté l’occasion de fournir des données aux scientifiques », reproche Elodie Martinie-Cousty de France Nature Environnement.

Face aux pertes financières qu’entraînerait une fermeture de la pêche, «c’est à l’Etat de dédommager les pêcheurs, c’est un secteur très subventionné», poursuit-elle.

« Plutôt que de payer une amende à l’Europe, il vaudrait mieux utiliser cet argent pour repenser les pratiques de pêche », suggère Hélène Peltier.

Source : Courrier Picard – Publié le 26.11.2020
Photo de une : Bruno – Correspondant Océanopolis et Observatoire Pélagis

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