2020 pourrait être une nouvelle année noire pour les dauphins sur le littoral français avec de nombreux échouages liés à la pêche, faute de mesures suffisantes, avertissent scientifiques et ONG.

Un triste record. En cinq ans sur le littoral français, les échouages de cétacés ont triplé et pourraient atteindre le chiffre de 2000 cette année. D’autant que ce nombre n’est que la face visible de l’iceberg, car les scientifiques expliquent que pour un dauphin échoué, sept autres sont emportés au large ou coulent au fond de l’océan. Résultat, en tout, près de 10.000 cétacés seraient morts cette année.

« Nous avons de nouveau des échouages extrêmement élevés, principalement en Vendée, Charente-Maritime et Sud-Bretagne », constate Hélène Peltier, de l’observatoire scientifique Pelagis. A Ploemeur (Morbihan), par exemple, un cétacé s’est encore échoué le mois dernier, découvert par un riverain. « C’est le 13ème cette année »,  se désole Claude Orvoine, maire adjoint (centre droit) aux espaces publics de Ploemeur (Morbihan). « C’est toujours triste de voir un animal comme ça, intelligent en plus, qui arrive à s’échouer. C’est toujours désastreux », poursuit-il.

Malheureusement, le problème n’est pas nouveau : l’observatoire Pelagis constate depuis 2016 une aggravation de ce phénomène vieux de 30 ans.

« Le problème en plus, c’est que ce sont des populations qui mettent très longtemps à se reproduire et à se restaurer, donc si on attend de constater un gros déclin, après il sera trop tard, on ne pourra plus rectifier le tir et voir les populations réaugmenter », explique Hélène Peltier.

Pour la Commission européenne, la France ne remplit pas ses obligations envers cette espèce protégée. Une procédure d’infraction a d’ailleurs été ouverte en juillet. Car outre les morts naturelles, les autopsies ont aussi mis en lumière une autre cause de mortalité, l’activité humaine, avec de nombreux dauphins pris dans des engins de pêche. Et ce qui représente une prise accidentelle pour les pêcheurs n’est ni plus ni moins qu’un massacre pour la présidente de Sea Sheperd France.

« Ils sont des centaines de fileyeurs à pêcher dans le Golfe de Gascogne, et à poser chacun des dizaines de kilomètres de filet chaque jour, donc en fait la zone est un terrain miné pour les dauphins et pour la vie marine en général. Et on sait qu’on va les capturer dans des proportions telles que ça met en danger la survie des espèces. Donc en fait les dauphins sont sacrifiés », dénonce Lamya Essemlali.

Au niveau politique, les choses bougent un peu. Jeudi 17 décembre, la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, Bérangère Abba, a annoncé un nouveau partenariat entre l’Office français de la biodiversité (OFB), l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), le CNRS et La Rochelle Université pour l’observatoire Pelagis à la Rochelle. L’objectif ? Élargir le champ de leur coopération dans la collecte et l’analyse des données sur les mammifères marins.

« Grâce à la complémentarité de nos établissements, nous engageons ensemble un programme ambitieux sur la connaissance des relations entre les populations de mammifères marins et les pressions exercées sur leur milieu, ce qui nous permettra de réduire leur mortalité », a déclaré Bérangère Abba.

Des solutions technologiques

De leurs côtés, les pêcheurs affirment qu’ils font le maximum pour éviter les captures accidentelles.

« Très clairement, les professionnels ne sont pas dans une pêcherie de cétacés. Ils essaient de les éviter et ils se sentent accusés comme étant des professionnels non responsables alors que ce n’est pas le cas. Ce n’est pas la réalité des choses et il faut les aider pour trouver des solutions et éviter ces captures », avance Olivier Le Nezet, le président du Comité régional des pêches maritimes et élevages marins de Bretagne.

La profession travaille sur des solutions avec les scientifiques. A l’image d’Eric Guyniec, responsable de l’armement Apak, qui équipe depuis dix ans ses navires de pêche de pingers, des dispositifs à ultra-sons qui font fuir les dauphins. Pour lui leur efficacité n’a cessé d’évoluer chaque année.

« C’est vraiment efficace parce que les anciens modèles étaient à 65% de captures en moins, et aujourd’hui on arrive à 90%. A partir de janvier 2021, ce sera obligatoire pour tous les pêcheurs, mais nous on le fait naturellement, tous les pélagiques le mettent », dit-il.

En parallèle du pinger, les chercheurs de l’Ifremer testent de nouvelles technologies pour réduire les prises accidentelles des pêcheurs. Grâce à un câble vert, par exemple, l’animal peut enfin détecter le filet de pêche qu’il ne voyait pas auparavant.

« Le dauphin ne les voient pas avec ses yeux, il communique avec l’extérieur par des ondes sonores, et s’il n’y a pas de réflexion de ces ondes, il pense qu’il n’y a pas d’obstacles. L’idée c’est d’avoir un dispositif qui permet d’éviter au maximum les prises de dauphins sur les filets », analyse le biologiste Alain Biseau.

Dernière piste envisagée, de nombreux scientifiques recommandent de fermer la pêche dans le Golfe de Gascogne pendant quelques semaines cet hiver. Mais Annick Girardin, la ministre de la Mer, a refusé cette fermeture. Son ministère prendra des engagements en 2021 pour réduire les captures accidentelles de cétacés. Comme renforcer la présence d’observateurs sur les bateaux ou encore expérimenter des caméras à bord.

Source : LCI – Publié le 20.12.2020
Photo de une : Piqsels

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