D’extraordinaires interactions entre les rarissimes fausses orques et des grands dauphins ont été immortalisées par l’équipe de tournage de la série documentaire La Planète Bleue 2 (Blue Planet II).

Autrefois considérées comme des ennemies, ces deux espèces de delphinidés sont en réalité les meilleures amies pour la vie.

Elles mesurent six mètres de long, pèsent plus d’une tonne et sont proches de l’orque, mais on sait très peu de choses sur les fausses orques (Pseudorca crassidens). Aujourd’hui, la série Planète Bleue 2 offre au public une plongée dans l’univers jusque-là inconnu de ces insaisissables résidentes de l’océan, pour la première fois filmées de près.

Sarah Conner, l’assistante productrice, a réalisé une grande partie du tournage sur les fausses orques figurant dans la série.

«Je dois avouer que c’était incroyable de voir se détacher aussi clairement depuis les airs cette formation de fausses orques et de grands dauphins, nous étions littéralement sans voix là-haut», confie-t-elle.

L’équipe a utilisé une caméra tractée (à l’arrière du bateau) lui permettant de naviguer assez vite pour tenir la cadence face aux sujets rapides.

«C’était amusant car les grands dauphins venaient l’observer au plus près, mais les fausses orques étaient un peu plus timides et il leur a fallu un peu plus de temps avant de s’en approcher», raconte Sarah Conner.

Comme leurs cousines les orques, les fausses orques font partie de la famille des delphinidés, et nous savons aujourd’hui qu’elles se rassemblent en grand nombre au large des côtes néo-zélandaises, avec des groupes de grands dauphins.

Sarah Conner explique que normalement, quand on voit des cétacés passer du temps ensemble, il s’agit d’une rencontre fortuite autour d’un festin, comme les orques et les baleines à bosse partageant un repas de harengs en Norvège.

«C’est plus une rencontre dans un supermarché ou sur un lieu de travail», ajoute-t-elle.

Ce qui différencie la relation fausses orques/grands dauphins, au large des côtes néo-zélandaises, des autres interactions entre cétacés, explique Sarah Conner, c’est que ces espèces ont non seulement été observées en train de chasser en équipe, mais aussi de socialiser, de voyager et de se reposer ensemble, sur de longues périodes (parfois des années) et de longues distances.

«C’est plus qu’un simple moment à se nourrir d’un banc de poissons ; c’est plutôt comme vouloir passer du temps entre amis, comme prendre un plat à emporter pour le partager. Mais ce serait aussi se promener ensemble, aller voir un film au cinéma, faire des soirées pyjama et généralement rester ensemble», explique Sarah Conner.

Cela fait 17 ans que le biologiste marin Jochen Zaeschmar étudie les fausses orques. Jusqu’à présent, il s’est appuyé sur des observations anecdotiques pour rencontrer les dauphins.

«Nous avons 800 km de côtes. Les trouver, c’est comme chercher une aiguille dans une botte de foin», dit-il.

Travailler avec l’équipe de la série Planète Bleue 2 a permis de réaliser des relevés aériens pour localiser beaucoup plus facilement les fausses orques.

Jochen Zaeschmar a appris aux observateurs locaux de cétacés à différencier la fausse orque du globicéphale, d’apparence similaire. Il a utilisé leurs observations et leurs relevés antérieurs de données pour trouver un point de départ dans la recherche.

Filmer ce rassemblement a permis d’étudier le groupe : plus de 150 fausses orques et environ 1000 grands dauphins ont été enregistrés depuis les airs, permettant à Jochen Zaeschmar et à l’équipe d’assister à leur rapprochement. C’était la première fois que Jochen Zaeschmar voyait le rassemblement d’en haut plutôt que depuis le pont d’un bateau, comme habituellement.

Ces images aériennes ont permis à Jochen Zaeschmar, pour la première fois, de recenser toutes les fausses orques de Nouvelle-Zélande.

«Il peut désormais surveiller leur population, chaque année, pour voir comment leur nombre et les individus survivent en haute mer et dans leurs interactions avec les pêches», explique Sarah Conner.

Jochen Zaeschmar a fait des découvertes révolutionnaires ; jusqu’à présent, on considérait que ces espèces évoluaient dans les profondeurs marines, fréquentant occasionnellement les eaux peu profondes. On estime aujourd’hui qu’elles passent six mois dans les eaux peu profondes baignant la Nouvelle-Zélande, et six mois dans les profondeurs marines, avec les mêmes individus qui visitent fréquemment la côte. Aujourd’hui, Jochen Zaeschmar pense qu’elles sont des résidentes à temps partiel.

«Elles font partie de notre mégafaune néo-zélandaise. Elles sont de véritables résidentes. Et elles ont besoin d’être protégées», explique-il. Les études actuelles sur les populations de fausses orques sont rares, mais au regard des données qui ont été recueillies, il est clair que l’espèce est menacée.

Les images et les connaissances connexes recueillies par l’équipe de Planète Bleue 2 ont suscité l’attention nécessaire pour s’assurer un soutien accru pour de prochaines recherches. Jochen Zaeschmar souhaite étudier plus en détail leur écologie et la relation entre les fausses orques et les grands dauphins afin de mieux comprendre l’espèce.

Traduction par David Delpouy pour Réseau-Cétacés d’un article  de Martin Poyntz-Roberts, publié le 14 mai 2021, sur le site de la chaîne BBC Earth.
Photo : fausses orques et grands dauphins, Nouvelle -Zélande © BBC 2017.

 

Loading...